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18- le « domaine de survol absolu sans bord » est un espace de symbolisation que nous gravons de nos désirs dans le continu du réel.
180- Selon le physicien Sir William James, une vérité nouvelle n’est pas une découverte mais une invention qui devra être corrélée aux faits scientifiques. De plus, il lui faudra un gros sac à dos de matières cognitives, beaucoup de matières. Ainsi, il pourra se lancer dans la bataille de soi-même avec soi-même. Le problème doit de prime abord être bien posé, puis, une fois bien encadré, il convient d’entrer en soi, de déconstruire sa pensée triviale que l’on nomme sens commun, de remettre en question tous les a priori de langage pour aborder et dépasser les limites de l’exprimé et atteindre le noyau sensitif, entrer dans la pure durée de soi. Approcher au plus près du réel et du libre arbitre. Là, plongeant dans le marais de la conscience intérieure par introspection, l’attention active se met à l’affût. Ainsi, toute son existence, par cette introspection apparaissant dans sa dimension remémorée, s’élève devant soi, puis, convertie en domaine de survol absolu sans bord, représente désormais la surface de l’océan à sonder.
181- Si nous voulons comprendre la nature de cet espace de symbolisation qu’on appelle « domaine de survol absolu sans bord », Sir William Thomson, physicien du début du vingtième siècle, nous en donne une représentation par l’hypothèse que l’espace est rempli d’un fluide homogène, incompressible et divisible à l’infini (un Éther) qui n’est que mouvement, où des tourbillons se meuvent par fractions continues dans un « infiniment petit » multidimensionnel, engendrant ainsi les propriétés de la matière-espace-temps. L’immobilité étant constituée d’une infinie mobilité, on comprendra que tout mouvement s’accomplissant au sein de ce fluide équivaut en fait alternativement et successivement à de l’immobilité provoquée. Ainsi, le mouvement dont on parle couramment n’est pas un mouvement qui se produit mais un mouvement que l’on a formalisé. C’est le reste d’un rapport entre deux rapports, comme deux trains sur des rails parallèles qui se rattrapent et roulent provisoirement à la même vitesse, donnant l’illusion par le hublot de l’immobilité. La stabilité du monde tient dans cette illusion créée par les suites de simultanéités dont nous prenons personnellement conscience. Contrairement à ce que suggère le sens commun, un mouvement ne saurait se poser sur une immobilité, car il coïnciderait alors avec elle, ce qui serait contradictoire. On reconnaît le réel, le vécu, le concret, à ce qu’il est la variabilité même. On reconnaît l’élément tiré de la structure à ce qu’il est invariable. Et il est invariable par définition, étant un schéma, une reconstruction simplifiée, souvent un simple symbole, au mieux un diagramme, une vue prise sur la réalité qui s’écoule.
182- L’erreur est de croire qu’avec la juxtaposition de ces schémas on recomposerait le réel. De l’intuition, on peut passer à son analyse par le schéma, mais non pas de l’analyse schématique à l’intuition. Il manque des mots au langage pour remonter dans ses filets la pureté d’une intuition, qu’elle soit philosophique, métaphysique ou esthétique. Une fois sorti de la sensation (qui annoncerait, comme le ferait un phénomène signifiant, les ferments de l’intuition), il convient, une fois franchi le seuil de l’analyse des indices calibrant la forme conceptuelle de cette sensation, de trouver les symboles y afférents, développés bientôt mentalement en structure langagière approximativement signifiante. Ainsi, les mots s’alignent, forment les phrases, le concept se cherche et, au fur et à mesure que l’on affirme sa pensée, elle complexifie la structure et s’éloigne de l’émotion première jusqu’à la perdre. Il ne reste plus qu’à retourner à l’intuition. Par chance, notre mémoire en reconnaît le chemin. Mais d’aller-retour intuition-concept, concept-intuition, le discours s’étoffe, s’articule sans jamais retrouver sa vérité. Pour capturer cette intuition, il manquait les mots qui lui sont spécifiques, et qu’il faudrait pour l’occasion inventer. Après constatation de l’insaisissable de l’intuition, la persévérance s’estompe ; pour Henri Poincaré, il est temps de prendre du recul avec cette tentative infructueuse d’énoncé. Le travail de l’oubli devient nécessaire.
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