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La pensée foulcado-deleuzienne


Au-delà des seul traductions, il est possible désormais de mettre les apports théoriques et politique forte de l’universalisme républicain à la française, même si un tel geste, impensable pour l’instant dans le champ intellectuel grand public, passe encore par les raccourcis du plaidoyer pour la minorité sexuelle en tant que telle, par exemple chez Marie-Hélène Bourcier, ou par les dossiers à charge des revues les plus acquises à la pensée foulcadodeleuzienne, de Chimère à Multitudes. Pendant ce temps, l’Université française, moins timidement qu’il y a quelques années, monte colloques et centres d’études sur la théorique queer, les débats féministes américains, le paradigme postcolonial ou même les « performance studies », au croisement des théories du corps performatif (de Derrida à Judith Butler) et des univers français de la danse et du théâtre. L’important, ici, est qu’il s’agit souvent moins d’un décalque des positions et des polarités étatsuniennes que de fourbir, en puisant dans le corpus anglo-saxon aussi bien que dans les textes canoniques de la « théorie française », ses propres armes critique et théoriques, adaptées au contexte spécifique de la France de ce début de millénaire. Car on peut transplanter des textes, mais on ne saurait bien sûr importer un contexte, et c’est forts d’un tel sens du déplacement que certains intellectuels et militants français développent aujourd’hui avec les textes en question le rapport d’usage, de mise en œuvre, donc aussi d’inventaire critique, qu’a su déployer avant eux l’Université américaine, et qu’avaient longtemps tenu pour illégitime l’Université française et sa tradition d’exégèse désincarnée. Ce dont est venue témoigner récemment, malgré la fièvre commémorative et les enthousiasmes ponctuels et solennels qu’elle suscite, une certaine inflexion pratique, politique, donnée ici et là aux célébrations de Foucault et Deleuze – respectivement pour les vingtième (2004) et dixième (2005) anniversaire de leur mort, mais aussi à l’hommage national bien pardoxal (pour un pays qui a longtemps boudé son œuvre) rendu à Jacques Derrida au moment de sa disparition en octobre 2004 : à bien y regarder, on pouvait en effet discerner, parmi le concert de louanges contrites ou même hypocrites, les aveux autrement interessants de militants, de poètes ou même de musiciens venus raconter l’usage qu’ils avaient de certains de leurs textes ou de leurs concepts. L’exemple le plus frappant de ce nouveau rapport d’usage, libre et politiquement chargé, est peut-être le stimulant numéro consacré par la revue Vacarmes à Michel Foucault, là aussi au milieu d’une pléthore de commémorations plus convenues : des stratégies d’Act Up au nouveau paysage carcéral, et de SOS Racisme à la carte européenne des camps de détention d’immigrés clandestins, il s’agissait de mettre à l’épreuve du présent les outils foucaldien, quitte à faire honnêtement la part de ce qui nous y relie et de ce qui nous sépare. Difficile, bien entendu, de tirer des conclusions définitives d’une telle évolution et de symptômes aussi disparates, sinon aussi localisés. D’autant qu’à la faveur de ces retours en grâce, médias et institutions ne manquent pas à leur tour de déployer leurs propres tactiques de réappropriation, ou de circonscrire parfois un nouveau créneau porteur autour de ces « pensée rebelles ». Q’un rapport neuf à ces textes d’il y a trente ou quarante ans et l’ouverture tardive aux courants qu’ils ont alimentés outre-Atlantique et dans le reste du monde puissent venir féconder en France de nouvelles pratiques, artistiques ou militantes, et contribuer à modifier la carte du champ intellectuel, on ne pourra en juger qu’à moyen et long terme. Car une telle évolution renvoie, en fin de compte, à l’espace social dans son ensemble, à l’appareil idéologique dominant tout autant qu’à des boulversements culturels et symbolique de grande ampleur, et non pas seulement à l’organisation de l’institution universitaire ni même au champ de production des discours. Si les signes se font jour d’une crispation française face aux questions et aux courants de pensée décrits dans ce livre, de puissants obstacles demeurent encore pour qu’ils essaient au-delà des cercles les plus directement concernés. Mais le pli semble pris, le mauvais sort brisé, et de l’Europe en débat et de la gauche en crise, une politique des textes inédits – et une critique sociale largement renouvelée. À ce titre en tout cas, la trop longue parenthèse des années 1980 se referme peut-être enfin.

 La théorie française


Finalement, s’il est une leçon de cette invention américaine de la théorie française, comme de son abandon en France et de ses avatars mondiaux, c’est celle d’une continuité à rétablir coûte que coûte, contre les représentations polarisantes et les discours binaires : marxisme allemand contre nietzschéisme français, alors même que la micropolitique est le prolongement de l’idée de révolution ; phénoménologie française contre « perspectivisme » (multiplication des points de vue, pluralisation du sujet) postructuraliste, là où celui-ci n’est peut-être qu’une radicalisation de celle là, comme le suggérait Vincent Descombes ; ou encore le communautarisme américain contre l’universalisme français, qui dissimulent derrière des décalages de champs la convergence profonde de deux puissances alliées, ou les querelles que suggérait Bourdieu entre « deux impérialisme de l’universel » concurrent mais complémentaire. Reste donc à souder, à connecter, à continuer de brancher – Marx sur les théories non dialectiques de la différence, les luttes pour les droits civiques sur les politiques identitaires de l’université, le romantisme révolutionnaire sur les micropolitiques plus tactiques, le sexe ou la race, sur la classe sociale, et les radicalismes théoriques américains sur les nouvelles formes de dissidence sociale en France : des salles de cours aux politiques groupusculaires, ce sont autant de continuités à rétablir contre le fatalismes en vogue du postmoderne, de la fin de l’histoire et de la génération perdue, et leur impuissances. Le matérialisme, en tant que tradition intellectuelle, est d’abord cette méfiance joyeuse envers tous les discontinuismes, et leurs fausses séparations. C’est un travail de branchement, en d’autres termes, contre le mythe des ruptures, le fantasme des arrachements et des déconnexions. Guattari nous parle de « trahison créatives ». Pensées vivantes. Elle sont surfaces sensibles, peaux effleurées, sombres replis – moins un corps de pensée, débonnaire et charnu, qu’une zone de  contacts aux frontières érodées. Il suffit d’une seule citation, d’un argument repris, d’un livre mentionné ou d’une œuvre entière dans l’effacement de son nom propre. Leur circulation, leur détournement, leur transfert loin du contexte qui les vit naître et l’audace même de leurs usages, contre les modesd’emploi d’une didactique des textes, font ensemble – après qu’ils ont quitté leur auteur, mais avant qu’un corpus déjà ne les ait embaumés – toute l’érotique de la pensée. Son errance, incertaine. Le frottement des deux termes paraît secouer la poussière d’une époque révolue ; pourtant, l’idée d’une libido théorique (non une jouissance des mots, bien sûr, mais un rapport libidinal à la théorie) n’avait pas attendu les années 1970 pour nous rappeler l’ancestral tapin des textes, leurs œillades aguichantes sur les trottoirs de l’histoire, d’autant plus prometteuses qu’elles échappent au contrôle de leurs tristes souteneurs, héritier officiels ou exégètes d’école. Avec cette drague des textes il n’est pas question de métaphore, mais d’opposer le désir comme jeu – au sens de la mécanique- délai, ripage, à la proscription du moindre flottement, à l’introspection des bons emboitements, qui président de leur côté aux interprétations légitimes. Celles-ci postulent une source magique, majuscule, une essence textuelle avec sa vérité monosémique. Et jugent sévèrement, à son aune, les lectures étrangères, les feuilletages étudiants, les reprises fragmentaires et toutes les instrumentalisations, autant de distorsions sympathiques, mais qu’invaliderait leur caractère de blasphème. Le désir en question, au contraire, s’échauffe au contact des textes, entiers ou en lambeaux, à la  mesure d’un intervalle premier auquel on doit la vie des textes : intervalle entre l’irruption de l’écriture et sa normalisation anthologique, entre les logiques de champ et les aléas de la postérité, entre les effets de mode et le changement souterrain des paradigmes. S’ouvre ainsi une zone de non-droit entre contrôleurs d’origine et propriétaires à venir, une zone toute d’interstices à l’abri de laquelle, loin des gardien de l’œuvre, des textes seront mis en œuvre : ils s’inscriront le long de certains parcours, tatoueront des corps, investiront des pratiques et rassembleront des communautés inédites. C’est au sein d’un tel intervalle que s’est jouée aux États-Unis, au tournant des années 1980, l’invention de la théorie française – un intervalle ouvert, au creux duquel sa puissance est toujours intacte.

Il était une foi Fred Turner

Cette évolution technique qu’est le World Wide Web, aussi spectaculaire soit-elle, ne peut être la source unique des utopies auxquelles furent associés les ordinateurs. Qu’une telle machine puisse être posée sur un bureau et manipulée par un individu n’en fait pas pour autant une technologie « personnelle ». Que des groupes de personnes échangent via un réseau d’ordinateurs connectés n’implique pas nécessairement que leurs interactions en ligne s’inscrivent dans une logique de « communautés virtuelles ». Au contraire, sur les lieux de travail, ordinateur de bureau et en réseaux peuvent devenir de puissants leviers pour assimiler plus encore l’individu à son entreprise. Au sein du foyer, si les mêmes outils permettent aux écoliers de télécharger les contenus de bibliothèque publiques, ils transforment également le salon en super-marché numérique, opportunité dont se saisissent les boutiques afin de collecter toutes sortes d’informations personnelles sur ces consommateurs potentiels. Malgré les promesses d’une utopie en marche auréolant l’émergence de l’internet, rien ne vouait l’ordinateur, connecté ou pas, à aplanir les structures organisationnelles, participer de l’individuation des humains ou œuvrer à la création de communautés soudées malgré la dispersion géographique.

Le rêve d’une ad-hocracie distribuée

Pourquoi alors, ordinateurs et réseaux furent-ils le moteur des rêves d’une ad-hocracie distribuée, d’un marché libre et égalitaire et d’un « Soi » plus épanoui ? Où ces rêves avaient-ils pris forme ? Et qui enrôla ces outils informatique comme porte drapeaux ? Pour répondre à ces questions, il faut en revenir à l’histoire d’un groupe extrêmement influent de journalistes et d’entrepreneurs de la baie de San Francisco : Stewart Brand et le réseau Whole Earth. Entre la fin des années soixante et la fin des années quatre-vingt-dix, Brand constitua un réseau composé de personnes et de revues qui furent à l’initiative d’une série de rencontres entre les milieux bohèmes de San Francisco et la silicon valley, carrefour technologique naissant. Dés 1968 il regroupa les acteurs des deux mondes dans les pages d’un des ouvrages les plus représentatifs de l’époque, le Whole Earth Catalog. En 1985, il  les réunit de nouveau au sein d’un dispositif de conférences électronique qui allait devenir le plus influent de la décennie, le Whole Earth Lectronic Link ou WELL. Dès lors, et ce jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, Brand et les autres membres du réseau, dont Kevin Kelly, Howard Rheingold, Esther Dyson ou encore John Perry Barlow, devinrent les personnalités les plus citées pour illustrer une vision contre-culturelle de l’internet. Finalement, en 1993, tous participèrent à la création de Wired, le magazine, qui plus que tout autre vantera la dimension révolutionnaire du monde numérique émergent.

Aux sources de l’utopie numérique

Fred Turner

« Ce livre réussit un véritable tour de force. Suivant la biographie de Stewart Brand, il dresse le portrait d’un personnage collectif : internet. En déplaçant l’attention des inventeurs vers les passeurs, Fred Turner offre une leçon de sociologie des sciences et des techniques. Toujours là au bon moment, Stewart Brand est le point d’intersection d’univers hétérogènes. Il amène le LSD dans les laboratoires du Stanford Research Institute, et introduit la micro-informatique dans l’univers pastoral des hippies… »
Dominique Cardon

Biographie de l’auteur
Fred Turner est professeur de sciences de la communication à l’université Stanford, au cœur de la Silicon Valley. Il est devenu un chercheur incontournable pour l’histoire de l’Internet, du multimédia, et des relations entre l’art, la technologie et les nouveaux pouvoir des entreprises de communication numérique.

Qu’est-ce que le samizdat ?

On se souvient de l’arbre qui surgit des fentes d’un rocher ou des ruines d’une église. L’arbre vert du samizdat est encore plus étonnant. Il pousse sur le bâtiment en construction du socialisme totalitaire.
Le samizdat est le modèle d’une littérature libre existant en l’absence de liberté. Il a une vieille tradition, incarnée le plus complètement en Russie par le sort de Pouchkine. La censure et les persécutions d’écrivains vont de pair avec tout régime totalitaire et autocratique. Les artistes ont toujours tenté de passer outre aux interdictions venues d’en haut. Mais si jadis il existait des œuvres interdites, maintenant il y a une littérature interdite. Qu’a de commun le samizdat avec la littérature habituelle et en quoi s’en distingue-t-il ? Le samizdat comprend tous les genres de littérature inhérents à la production littéraire libre : vers, prose, ouvrages sur la vie politique et sociale, recherches scientifiques, traductions, programmes pour la structure politique de la société. Mais il y a aussi des genres particuliers au seul samizdat : lettres aux journaux occidentaux (que ceux-ci ne publient pas toujours), et comptes rendus d’audiences judiciaires. Ce genre a été inauguré brillamment par la journaliste, aujourd’hui disparue, Frieda Vigdorova. Le samizdat ne se borne pas à donner les points de vue de l’opposition, il fournit également les textes ou les sténogrammes officieux des déclarations faites par les hautes personnalités dirigeantes lors de réunions tenues secrètes. Ces deux derniers modes d’expression extralittéraires ont été élevés par le samizdat au niveau d’un genre littéraire, tout comme autrefois l’art épistolaire est devenu littérature avec les sentimentalistes anglais où l’étude s’est transformée en une œuvre achevée avec la peinture française. Le trait caractéristique du samizdat est l’interpénétration des éléments littéraires et non littéraires. Il en est ainsi parce qu’il s’agit non pas d’une littérature libre, mais d’un modèle existant en l’absence de liberté et qui ne remplit pas que des fonctions littéraires.

Le forgeron des dieux

un roman signé Soliane

Dans cet exercice je me suis lancé précédemment à ce travail d’écriture et par curiosité naturel, dans un processus de déconstruction de la pensée occidentale qui c’est avéré être la déconstruction de ma propre pensée. Éliminant tour à tour les métaphores du langage sur le monde qui me semblais inappropriées. Reconstruisant l’édifice avec de nouvelles métaphores plus sonnantes, plus au faits de la vie.