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4- La vie, c’est une question de proportions qui mènent au ciel du très grand homme, la cité sans violences.
40- Pour Charles Fourier, les passions, loin de devoir être réformées ou réprimées comme le prétendaient les philosophes des siècles passés, ne tendent que vers la concorde des individus, s’ordonnant naturellement en séries selon un mode analogue à celui des proportions géométriques. Ainsi va la « Démocratie du potager ». La Liberté que Fourier souhaite apporter aux plantes est plus complète et cohérente que celle qu’il destine aux hommes ! Son ordre génératif « engrené » ou composé préserve la diversité des plantes et leur laisse l’initiative de leurs déplacements. Ce sont elles qui, à partir du lieu de leur plantation, développent racines et rameaux, et vont là où leur terrain leur convient : « Chaque branche de culture cherche à pousser des divisions parmi les autres ; le potager, qui chez nous est confiné autour de l’habitation, jette des rameaux dans tout le canton ». Dans un tel paysage, il n’y a ni clôture ni barrière. Le « mariage des plantes » débouche sur le mariage des groupes d’humains puis sur celui des couples. C’est une agriculture non de la quantité mais de la diversité et de l’abondance des variétés.
Avec Fourier, il faut distinguer deux types de démocratie : la « Démocratie du potager » ou « Démocratie agraire » et la « Démocratie industrielle et domestique », comportant des fonctionnements divergents. La démocratie industrielle ayant tendance à voter pour la concentration des moyens, quand la démocratie du potager demande la répartition des ressources. L’accord s’accomplit par la « Gastrosophie ».
Cette « Démocratie du potager », tout comme la « Démocratie domestique », mène à cette « Gastrosophie » que Charles Fourier a voulu d’essence pantagruélique. La « Gastrosophie » est une philosophie non seulement de la gastronomie issue de cette diversité et de cette abondance, mais aussi une science de la bonne santé naturelle et du plaisir des sens : des plaisirs du goût, de l’odorat, de la vue, et de la convivialité. Car en « Harmonie », nom que donne Charles Fourier à sa société ayant passé le stade de l’évolution de la barbarie à la civilisation et de la civilisation à l’état d’harmonie, il n’est pas nécessaire d’être assis pour manger, les groupes se rapprochant et s’accordant sériellement sur le plaisir que l’on a à partager ses plats et ses impressions culinaires.
41- Avec Charles, c’est « Versailles » à tous les étages. Mais voyez bien que pour Fourier, la « Gastrosophie » est le plus haut savoir sur la société : « il faut selon lui 140 ans pour former un bon Gastrosophe ». Il implique l’activité de tous ses objets, du producteur agraire aux cuisiniers, en passant par tous les types d’agents de santé, culturels et industriels : « Designers », « naturophiles-diététiciens », « organisateurs d’événements », « artistes », « éditeurs », « médiateurs » et ainsi toute l’économie. La « Gastrosophie » est une affaire sérieuse qui suscite la saine émulation de tout le corps social au travers de la « Coopétition », la pure compétition désintéressée.
Charles Fourier pense les choses de façon globale et planétaire, astrale dirait-on, en imaginant un Olympisme de la gastronomie où toutes les populations de tous les « Tourbillons » du monde, environ mille six cents personnes par groupes d’autonomie, compétitionnent internationalement entre elles. Ainsi, voyez à quel point l’on doit se réjouir aujourd’hui à l’essor de toutes ces émissions culinaires dans l’univers des médias, favorisant la saine émulation sociale. Un « Thierry Marx » en serait le petit prince. Qu’en est-il de l’« Astrosophie » ?
L’« Astrosophie », grandement ridiculisée à son époque par tous les détracteurs expérimentés, reste une notion encore difficile à concevoir par nos contemporains. La teneur de son discours sur le monde des astres et des étoiles est tout autant concrète que surréaliste, autant construite par l’expérience qu’abstractivement modélisée et vitalisée par l’intuition des analogies heureuses et des métaphores sensuelles. À la façon de Goethe, partant du principe de « l’Agent-l’Agissant-l’Agi », outre la gravitation, les astres agissent entre eux par l’intermédiaire d’hormones spécifiques qu’il nomme « Arômes » (essences subtiles catalysant la formation des Êtres par constitution d’une lithosphère, biosphère et noosphère, initiant les idées de Vladimir Vernadsky). Il crée ainsi une taxinomie constituée d’un tissage entre métaphores analogiques de la nature et analogies sensuelles et sensibles, empreintes de mythologie et de poésie pour transcrire la variété des formes.
En retour, toujours par le principe de « l’Agent-l’Agissant-l’Agi », nous absorbons au travers de notre « noyau coenesthésique » ces « Arômes célestes » que nous assimilons et que nous réagissons de nouveau par l’intermédiaire des styles d’être, des mimiques, des démarches, des manières gestuelles et des paroles (c’est le mécanisme du « Mimisme » de l’anthropologue Marcel Jousse). C’est ainsi qu’en répondant aux « Arômes célestes », nous pouvons harmoniser ou perturber le grand concert cosmique et ainsi apporter les bons ou les mauvais influx pour la planète.
42- On comprend à quel point André Breton, le pape du « Surréalisme », dans « Öde à Charles Fourier », comme Antonin Artaud à son époque, l’approuvaient sur l’idée qu’il peut être question pour l’homme de la pertinence de sa gestuelle dans ses actions et de la qualité de son attitude sur la surface du globe pour régler nos relations au Cosmos. Mais qui est ce Charles Fourier ? Un grand humaniste assurément, préconisant l’éveil des sens de ses concitoyens comme principe d’évolution sociale et individuelle. Baptisé « Socialiste Utopique » par la gente sceptique de l’époque dont il se défendait du terme d’utopique, arguant que pour marcher franc et fier, il faut avancer le regard clair posé vers l’horizon de la destinée, logée loin au-delà de l’Utopie. Né le 7 avril 1772 à Besançon, il fondera en 1830 l’École sociétaire avec l’aide de ses nombreux adeptes qui le rallieront tout au long de sa vie. Il cherchait à décrire la nature d’une science sociale basée sur les proportions du « très grand homme », symbolisant le ciel de l’humanité constitué de huit cent dix motivations différentes qui sont autant d’expressions des mille six cents Âmes formant le « Tourbillon » d’une communauté. Il y a les motivations dues aux plaisirs de la vue, puis celles de l’ouïe, du tact, du goût, de l’odorat, puis les passions affectives amicales, les passions des actes héroïques, ceux de l’amour de son alter ego et ceux qui ont la phylogénie des groupes et des communautés, plus ceux des humeurs composites qui développent l’engrenisme (l’enthousiasme), ceux des humeurs cabalistes qui pratiquent l’émulisme (les empêcheurs de tourner en rond), et les humeurs papillonnes pratiquant l’alternisme (les hyperactifs). Ce sont les douze grandes classes de motivations produisant ces huit cent dix nuances d’un tourbillon. Ces proportions sont puisées à différentes sources comme la « Gématria » grecque, « les traditions occultes » alchimiques, la théosophie antique et le mouvement spirituel « Illuministe », comme celui de Louis-Claude de Saint-Martin, figure du mouvement, et surtout d’Emanuel Swedenborg (un philosophe suédois) qui retiendra son attention par son essai sur les « correspondances » pour constituer les principes d’« Astrosophie ».
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