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14- Nous portons la mémoire mimique du monde que nous rejouons sans cesse, dans un théâtre social fait de mimétismes qu’on appel la culture.
140- Ainsi, une fois compris les tenants et aboutissants de son dilemme, n’envisagez pas d’aller chercher les bases d’une bonne culture sur Internet « du simple fait qu’Internet se nourrit de la culture du livre qui, à l’opposé du réseau, délivre une connaissance fortement structurée ». De mémoire, après la lecture d’une suite hasardeuse d’essais philosophiques tout au long de mon existence, l’irruption de la maladie à l’âge de quarante ans me poussa à approfondir mes recherches de sens dans les multitudes d’encyclopédies, thématiques ou alphabétiques en édition française, laissant libre cours à mes idées encore jouvencelles sur le monde au fil des ouvrages typologiques. Où que vous alliez dans la connaissance livresque, tout s’interconnecte. La structure typologique de l’édifice s’appuie sur l’institution typographique qui s’appuie elle-même sur la maîtrise d’une écriture multi-millénaire. Le langage de l’écriture est le langage de la connaissance organisée en savoir scientifique. La culture orale constitue d’autre part le langage du savoir intuitif de la nature.
141- La connaissance livresque a le caractère formel, comme un engramme dans les supports mémoriels, le savoir naturel est mobile, toujours en mouvement. Le réseau est de fait le réceptacle idéal pour les cultures orales constamment en circulation. Ce monde des croyances, des illusions et des fantasmes bouscule l’organisation patiente et pragmatique de l’horizon typographique, fondement de l’architecture scientifique, pour finir dans un ballet incessant de notions sans références, sans début ni fin. Cette confusion entre connaissances et savoirs traditionnels entretenue sur le réseau ne permet pas la constitution de repères solides pour une pensée curieuse de sens de l’existence et de ses profondeurs. D’un côté, la culture orale a ses règles ancestrales qui émergent de l’origine des expériences humaines sur l’expression verbale. Cette culture a non seulement forgé nos capacités vocales, mais aussi notre gestuelle, et également notre expression corporelle issue des quantités incommensurables d’intuitions en provenance de notre noyau somatique et rythmotopologique constitué par la combinaison de coenesthésies, de synesthésies et de kinesthésies sensorielles.
142- L’expression orale des origines est en prise directe avec le canal intuitif de plus de 80 000 ans d’histoire humaine dans sa forme interne, ayant drainé les influences non seulement de l’« Ici et maintenant », mais aussi de l’« au-delà ». Cette mémoire relayée dans nos mécanismes gestuels, visible dans les rites religieux ou chamaniques, témoigne des restes de nos capacités coenesthésiques et synesthésiques passées. L’avènement de l’écriture dans le monde occidental a sonné le glas de ce canal intuitif en effaçant terme à terme nos capacités synesthésiques jusqu’à l’« Algébrose » typographique, terme que « Marcel Jousse », maître de l’anthropologie profonde, donnait au processus de rigidification de la pensée. L’« Algébrose » discrétise, atomise en des termes fixes le flux continu de la vie porté par la danse des gestes et de la parole. Cette discrétisation des faits de l’existence est un effet secondaire du processus d’écriture, et finit par réduire le champ de conscience de ceux qui s’y complaisent ou s’y perdent. Mais d’autre part, l’écriture a permis l’expansion fantastique de l’aventure technique et technologique de l’Occident, prolongement naturel de nos propres organes.
143- Depuis Thalès, l’écriture est devenue une fonction de preuve et en même temps le support de cette même pensée. Elle témoigne de l’organisation générale de notre civilisation. Elle est le support de la connaissance, mais elle n’empêche pas les croyances et les désirs de circuler par les voies orales à travers un réseau, ne permettant plus de les distinguer avec la culture typographique une fois confondus sur la toile. Cette capacité ancestrale de la culture orale d’absorber et reproduire les influences célestes à travers nos gestes et nos paroles se nomme le « Mimisme ». La parole étant le point nodal entre l’idée et l’action, de manière inconsciente, nous mimons l’Univers. Le Mimisme est un terme joussien qui garde la porte ouverte à notre relation au « Mystère » du monde, comme l’est celui qui réside dans la théorie des nombres avec des phénomènes comme ces variables a-locales non linéaires dotées de leur ombilic intriqué et de leur trope d’autodétermination. Encore une fois, l’infiniment petit à travers ce processus d’autodétermination toujours actif en tout être et l’infiniment grand avec ce ballet des influences célestes se rejoignent dans le même être pour former un concert inconscient de mouvements internes et externes qui rythment la vie. Le Mimisme a un contenu sémiologique (les signes) et sémantologique (le sens) logé dans la couche préconsciente de notre psychisme et donne le relais au « Mimétisme », nous amenant par nos expérimentations plus ou moins algébrosées à la conscience pleine. Ce que Gabriel Tarde traduisait par des articulations avec nos processus d’identification au monde.
144- De son côté, Whitehead, adepte de la philosophie du Processus, critique et revisite les catégories fondamentales contenues dans « l’Organon » d’Aristote. Il produit « La théorie relationniste de l’espace » dans laquelle il tient compte du nouveau fait quantique dans la théorie de la relativité restreinte. Le temps défini du point de vue d’un réductionniste pourrait se résumer, une fois réduit à sa dimension physique, par l’évolution d’un système entropique au pas d’un « Quantum » d’action. Dans une telle situation, l’espace n’a aucune consistance a priori ; cela ne ferait de notre univers qu’une boule de gaz solides, liquides et sublimés sans Âme. Whitehead ne considère plus la physique en termes de relations atomiques, mais réorganise plutôt les relations que la géométrie doit entretenir avec le monde de la physique. C’est une géométrie toute organique issue de la philosophie du processus et de la pensée romantique de l’école d’Iéna, représentée par l’esprit de Goethe et Schelling.
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