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55- Scène cinquième : La Queue d’aronde.
Je réalisais que Casoar était probablement la représentation de ma propre psyché et la retrouver était ma plus grande satisfaction, qui porte le sourire de mon état d’âme, et cette fois-ci, c’était jusqu’aux oreilles des deux côtés. Où m’emmènes-tu dans ce songe… ? Il ne comprend pas le concept « aujourd’hui ». Je remarque que quand il plisse à gauche, c’est de la malice. « Tu ne reconnais pas l’antre de Ptah-Héphaïstos ? » s’esclaffa-t-il. Effectivement, j’étais devant une multitude d’architectures improbables qui donnaient l’air d’être en cours d’interrogation sur elles-mêmes et qui évoluaient au gré de leurs idées. Ptah avait muté depuis ma dernière visite et réclamait le titre d’Héphaïstos, Maître de Forge. « Maître Héphaïstos, » dis-je, « le Monde me dépasse et me dévore, où est l’espoir ? » « Ha ha ! Petit imprévenant, les humains n’ont rien appris du Phlogistique et du Calorisme, ils persistent à se consumer comme de vulgaires allumettes sans se soucier des conséquences. » Mais alors, où est la vérité ? « Il n’y a pas de vérité, c’est une idée née du vulgaire et du pusillanime. » « Il n’y a que le feu de la vie qui est fait pour être partagé, c’est tout. » « Tu ne comptes pas vivre comme un charbon fumant, mon cher Jimmy ? » Non, Maître, je préfère briller. « Alors brille de mes mille feux, » m’instilla-t-il. Mais dans ce monde, la nuance entre briller et se consumer est mince, maître, comment faire la distinction ? « La générosité et l’optimisme stimulent le créatif qui favorise le Calorisme, et dans Calorisme, il y a le cœur. » Mais alors, qui est ce créatif et où le trouve-t-on, Maître ? « Le créatif ne s’invoque pas, il s’invite chez vous quand on le mérite, à force de travail, d’ardeur, de patience et de souffrances. » Mais vous le rencontrez à votre guise, maître, tout le monde le sait. « Tu te trompes, mon ami, il me connaît bien, c’est tout, il sait qu’il sera toujours bien reçu chez moi, mais fut un temps où cela n’était pas le cas et c’était devenu une question éminemment douloureuse, qui m’apporta beaucoup de peines dans mes relations avec mon père. » Zeus, osais-je timidement. « Bien sûr, le grand Zeus, grand par ses réalisations et grand par ses mesquineries. Dès ma naissance, mes parents me faisaient sentir leur déception à ce que j’étais à leurs yeux et aux yeux des immortels, avec tous les secrets de famille qui vont avec, Héra, ma mère, avait un esprit moqueur, qui usait même les nerfs de Papa, car Héra, ma mère, affirmait qu’elle m’avait eu sans l’aide de rien ni personne, ce qui mettait Papa dans une rage folle. Je dus subir leur moquerie durant toute mon enfance, Héra, ma mère, m’interdisait de sortir tellement elle avait honte de mes jambes tordues et elle finit par me jeter aux chiens. De la Thessalie, je sombrais dans la mer Égée un jour durant jusqu’à l’île de Lemnos. C’est grâce à Thétys et Dionysos que je suis revenu à la vie, puis à l’Olympe, et en triomphe de surcroît sur le dos d’un âne, l’animal indomptable par excellence. Ainsi vint le moment où ma maîtrise des éléments fondamentaux leur éclata à la figure. Cette maîtrise me permit de confectionner un trône-piège fait d’électrons comme autant de verrous et que je décorais à la gloire d’Héra, ma mère. Elle s’y installa sans méfiance, pensant que je voulais l’impressionner, et sans comprendre que je serais seul à en détenir la clé. Cet épisode fit cesser les moqueries et j’en fus ravi, ce qui me laissa du temps en tête-à-tête avec le Créatif, mais c’était sans compter sur le caractère susceptible de mon père qui, voyant l’étendue de mon savoir-faire, craint pour son pouvoir. La leçon fut douloureuse, une nuit, mon père organisa une conspiration, et je fus pourchassé une nuit durant par une conjuration d’immortelles en rage, craignant eux aussi pour leur pouvoir et finissant au bord de la falaise de la mer Égée. La rage des dieux n’a pas de limites, tu sais, et mon père me laissa déchiqueter, briser, piétiner, puis me précipita dans le vide du haut de la falaise. Je tombais un jour durant, selon les Naïades et les Océanides, filles de la grande Téthys, ce sont elles qui m’ont recueilli et soigné à nouveau sur l’île de Lemnos. J’y ai appris à rencontrer l’entité Moros, le maître des dieux, des hommes et de toute chose qui existe, c’est la chose qui souffle à nos oreilles durant la nuit. Dans un de mes rêves à Héphaïstia, il me livra les secrets de l’âme humaine qui est une âme plus noble que celle des dieux. Vois-tu, Jimmy, à ma naissance, l’Olympe festoyait dans la quiétude avec les hommes, en toute entente avec l’humanité c’était l’âge d’or, les hommes vivaient avec les dieux et les banquets étaient flamboyants, ils étaient exempts de faim et de fatigue. Ils mouraient comme enchaînés par un doux sommeil, tous les biens étaient à eux et la Terre était féconde. À leur mort, les humains devenaient des génies bienfaisants. Puis vint l’âge d’argent, cette génération d’humains était une race inepte et faible, dont la vie n’était qu’une longue enfance, et mouraient à l’adolescence par leur stupidité. Cela continua avec l’âge d’airain, les hommes étaient robustes et n’aimaient que les injures et les travaux avilissants, leur cœur avait la dureté de l’acier, ils finirent par s’égorger mutuellement, ce qui nous conduit à l’âge de fer, époque de misère et de crimes, où l’on ne respecte ni la foi, ni la justice, ni les serments. Les hommes m’avaient bien déçu, mais avec le temps, j’ai appris à les aimer. »
Je reconnais que les hommes sont bien ingrats, maître, mais doit-on les condamner pour cela ?
« Il n’en reste que les hommes demeurent plus nobles que les dieux, car un seul d’entre eux rachète tous les autres. Serais-tu celui-là ? »
Maître, je ne veux être le centre de rien ni de personne, même pas de moi-même.
« Tu ne connais toujours pas Moros depuis le temps qu’il te souffle à l’oreille. Et qui te plonge dans cette énigme Atoum, Seth ou Thot, d’après toi ? »
Ce Moros est sournois, on ne le voit jamais, pourquoi croirais-je en lui, maître ?
« Moros ne se montre jamais, il insuffle tant dans l’oreille des dieux que dans l’oreille des hommes. J’ai connu la mortelle Psyché qui rivalisait de beauté avec la déesse Aphrodite, mais beaucoup plus par sa beauté intérieure que ne l’était Aphrodite. Celle-ci demanda à Éros de la punir pour cet affront, en lui demandant de s’unir avec elle. Ainsi, un oracle prédit au père de Psyché les pires calamités sous peine de conduire Psyché sur un rocher désigné par la déesse. De là, conduite à son rocher, elle sera transportée par Zéphyr dans un palais magnifique avec la promesse de ne jamais regarder son amant, mais l’entité Moros la mettra dans le doute et Psyché finira par dévoiler cet amant. Ainsi, cette nuit-là, réalisant qu’il s’agit d’Éros, la prophétie se réalisa et Psyché retrouva de nouveau son rocher. Mais Psyché, avec l’aide de Moros, avait le don de résoudre toutes les turpitudes d’Aphrodite. C’est ainsi qu’après moultes défis d’Aphrodite déjoués, Éros, épris de la belle Psyché, demanda à Zeus de les unir. Zeus accepta et conféra l’immortalité à cette profonde Psyché. Les noces furent célébrées sur l’Olympe. C’est ainsi qu’une mortelle devint pour la première fois divine. C’est à ton tour, Jimmy, il me semble. »
Je ne suis rien, maître, je ne suis rien !
« Moi, Héphaïstos, mon petit Jimmy, par le passé, à mon tour, je dus assumer cette charge alors que je n’étais qu’un enfant. Durant mon exil à Lemnos, une fois les Dionysies rustiques passées, nous coulions de tendres moments d’amitié entre notre petit groupe de « transfuges » présents sur l’île. Il y avait là Europe la Philistine que Zeus voulait cacher des yeux d’Héra la jalouse, ce bon Dionysos, maître de ces lieux, sa chère Ariane depuis les Anthestries de février-mars et la belle Psyché. Ariane était l’épouse de Dionysos, son « double féminin », son alter ego comme il aimait à dire. Ainsi, Ariane fut transportée au ciel, Zeus l’ayant rendue immortelle afin de complaire à Dionysos, qu’elle avait épousé.
« Un Dionysos verdoyant aux cheveux d’or pour une florissante épouse, la fille de Minos, que le fils de Cronos a soustraite à jamais à la mort et à la vieillesse », disaient les Sintiens. Il faut dire que Thésée et Ariane avaient trouvé refuge sur l’île à la suite d’une tempête. Athéna apparut à Thésée pour lui apprendre qu’Ariane est promise à Dionysos et que, par conséquent, il doit renoncer à elle. C’est le cœur déchiré que Thésée dut quitter Ariane et c’est par chagrin qu’il oublia de changer les voiles de son navire, menant au suicide de son père. Par ailleurs, Aphrodite serait apparue à Ariane pour la réconforter en lui annonçant la nouvelle de ses noces proches et la coiffer d’une couronne d’or, que par la suite les dieux changeraient en constellation pour plaire à nouveau au dieu folâtre Dionysos. Bientôt, les Dionysies urbaines passées, vers mars-avril, Cadmos et son épouse Harmonie fondèrent Cadmée et furent de bons souverains à Thèbes, la ville qui se construisit autour de leur citadelle. Ils apprirent aux Grecs à écrire avec l’alphabet phénicien à la suite de la visite du dieu Cadmos auprès du sage Thalès à Milet. Mais au fond de lui, Thalès avait à cœur l’épopée des Scythes et des Sémites.
« Mon petit Jimmy, tu ne dois pas ignorer la magnifique épopée des deux frères dont tu fais partie désormais. Cette histoire a suivi les grandes migrations nomades indo-européennes depuis la campagne d’Alexandre contre l’empire achéménide et l’invasion des Scythes, Dionysos en était. »
Qu’entends-tu par épopée des deux frères ?
« Ce sont deux êtres hiérocéphales, l’un Scythe à tête d’aigle et l’autre Sémite, c’est-à-dire fils de Sem l’Égyptien avec une tête de loup comme tout bon messager de Thot. Leur rivalité s’exerce autour de l’animal magique qu’ils convoitent tous les deux, mais la leçon de cette histoire est surtout la fantastique fusion et harmonie que ces deux frères, à la tête de ces deux peuples, ont données au monde. Cette histoire renvoie à un questionnement plus profond sur la généalogie des deux frères, symbole de deux peuples radicalement différents et pourtant frères, et ainsi s’enfonce dans les profondeurs des archives akashiques de l’empire achéménide, c’est-à-dire au-delà de notre mémoire, au-delà des éons, au-delà des Gogolplex temporels. »
Et qui est cet animal magique, Maître Héphaïstos ?
« Cet animal magique est un renne femelle qui alimente ses petits tout en se défendant de l’attaque des deux frères chasseurs par sa puissante ramure. L’un d’eux vaincra l’animal qui se révélera, à son agonie, être la reine des fées et des amazones chez les peuples nomades du Nord. Souviens-toi, Mars plus Vénus, nombre du couple génésique de la passion sensuelle, est aussi la figure de l’enfant espiègle de la Tetractys grecque. Les deux Vénus, céleste et terrestre, la fée et l’amazone, sont la joie terrestre exaltée par un idéal de l’amour du beau et de la joie intime qu’elles procurent aux humains, c’est la « Cosmodicée ». De plus, la roue magique du temps n°59, générateur de la roue magique n°58 symbolisant les deux Vénus, par la roue magique n°181, générateur de la roue magique n°180, apportent l’Éternité. »
Je ne suis ni Scythe, ni Sémite, je suis Yoruba et n’ai rien à voir avec cette histoire.
« Il n’empêche que tu en fais partie, au titre des archives, tu es un gardien du fleuve et participes à la légende du monde. C’est bien à toi que sont adressés les messages de nos frères extraterrestres ! »
Et cela m’oblige ?
« En quelque sorte, ton pouvoir est dans ta capacité de franchir les étapes qui mènent au grand tout, à l’océan primaire et d’y emmener une armée. »
Le destin, Moros, tout ça, je m’en contre-fiche, je veux aller au Burning Man de Black Rock City et c’est tout, point.
« Ne fais pas ton enfant, tu brandis ta pseudo-liberté alors que rien ne t’appartient, pas même ton esprit. Certes, tu possèdes le choix de trahir Moros, mais à chaque situation, il n’existe qu’un seul bon choix et pour cela, tu devrais l’écouter. »
Je veux bien m’y plier si cela me conduit au Burning Man et si Moros lève sa sentence de mort, d’Atoum, de Thot et je ne sais qui Sethy.
« Eh bien, certes, Jimmy, je suis ton allié auprès de Moros et nous vaincrons ».
Maître, j’aimerais bien que vous m’expliquiez les enjeux de cette histoire.
« Le problème est simple, le processus de gestation de la déesse Mère mène au duel cosmique des deux frères convoitant l’animal magique, mais pour cela, ils doivent franchir les neuf niveaux de l’arbre qui touche le ciel : ainsi, aux premières branches auxquelles on accède par les neuf marches, ils rencontrent à leur droite la lune et à leur gauche le soleil. Puis, progressant le long de l’arbre de vie, aux branches suivantes, ils rencontrent onze espèces animales : en haut, les oiseaux ; en dessous, les cerfs, les poissons, les serpents et encore en dessous, les carnassiers. Les branches suivantes sont celles qui plongent dans les constellations. Au quadrangulaire octaédrique de Minkowski, le trialogue Chaosmique est résolu. Souviens-toi de ce que disent nos cousins de l’au-delà dans leur dernière missive et que nos valeureux linguistes ont su traduire. J’approuve totalement leurs propos, je les cite : « Le quantum d’énergie que l’on note « e » décomposé en quantum d’action de duré une, en physique et en logique formelle est au fondement de la consistance de notre réalité et forme les briques des particules existantes, mais son examen et sa compréhension sont loin d’être entendus par tout le monde. Une particule élémentaire est son propre principe de conscience, son propre espace-temps et possède sa propre dynamique et son libre arbitre. Parmi les 400 variétés connues à ce jour, elles se répartissent en trois ensembles, en trois strates mêlées. La strate constituant l’entropie générale est soumise au principe d’exclusion de Pauli, comme l’ensemble des hadrons, des fermions qui constituent l’essentiel de notre environnement, plus une deuxième strate constituée de particules qui ont le pouvoir de s’en échapper, comme les photons et les bosons, et non soumise aux lois d’exclusion. De plus, le groupe des ions baryoniques appartenant à la strate de l’énergie négative a le pouvoir de passer à l’état quantique pour former des nuages de Bose-Einstein à la racine des mécanismes de conscience de toute vie et constituant le Noos, logé dans une strate anatopique, non soumise aux lois de la gravitation et formant le domaine de survol absolu sans bord. La troisième strate correspond au groupe d’énergie négative que l’on nomme Négantropique parce qu’elle inverse le sens de l’entropie, constituée par les électrons rendus libres, arrachés à l’entropie irréversible, réalisant les codes de structure qui constituent le vivant. Ainsi, les animaux sensibles peuvent être considérés comme des systèmes négantropiques mixtes, à la fois ouverts, c’est-à-dire autonomes physiologiquement, et fermés structurellement, réalisant le lien avec la couche Noétique constituée de nuages de Bose-Einstein produits par le vivant et générés par un certain nombre d’ions métalliques à l’état quantique. Ils réalisent la conscientisation des dimensions spatio-temporelles par la réduction de la fonction d’ondes au sein de microtubules constituant le vivant. C’est une fonction (F de x) à valeurs complexes, définie sur le continuum d’espace-temps, dont le carré du module de chaque couple canonique représente la densité de probabilité de présence d’un électron de l’atome, en un point de l’espace et à un instant donné. Ainsi, l’espace logique, en tant que simultanéité ou conjonction contradictionnelle qui le définit, s’oppose au temps logique, en tant que succession ou disjonction contradictionnelle. Mais cette opposition les lie, les définit et les fonde, respectivement. Pour qu’il y ait succession, c’est-à-dire disjonction d’exclusion de particules, c’est-à-dire encore temporalité, il faut qu’il y ait simultanéité, c’est-à-dire conjonction contradictionnelle de liaisons particulaires ou spatialité, dans laquelle et au moyen de laquelle cette disjonction et cette succession pourront opérer et contre laquelle et sur laquelle elles pourront se développer. Et inversement, pour qu’il y ait espace et donc conjonction contradictionnelle de liaisons, il faut que ce qui constitue la disjonction et qui correspond au dilemme du choix de la théorie hilbertienne entraîne la succession et la temporalité coexistant oppositionnellement à l’espace et soit dominé, potentialisé par la conscience au travers d’une mémoire. Bref, la simultanéité de l’espace s’édifie sur la succession ou le temps, et inversement. Ainsi, les espaces se font, se construisent, au fur et à mesure que se développent les déductions dialectiques. Comme on le comprend aisément, ils sont les espaces de configuration des ensembles d’ensembles de choses et des classes de classes d’objets que les suites d’implications engendrent. Il y a donc des espaces d’espaces, des espaces qui englobent et qui sont englobés eux-mêmes. Les ortho-déductions dimensionnelles purifient asymptotiquement les tautologies, aberrations, biais paralogiques de ces espaces qu’elles élaborent : l’ortho-déduction positive ou identifiante précise, étend, consolide, purifie l’espace identifiant, si bien que, polairement, dans l’infinité impossible des actualisations absolues de la logique classique, on se trouverait au sein d’un espace statique, homogène et infini. C’est l’espace de la géométrie euclidienne et de la physique pré-relativiste, auquel on aboutit, et que l’on retrouve tout de suite en considérant les actualisations comme absolues et la non-contradiction comme rigoureuse. Mais cet espace est vide et se supprime lui-même, avec la logique qui l’engendre. Les invariants, les constantes, les permanences, les lois de conservation, les identifications de toutes sortes, que la macro-physique réalise statistiquement, sont le devenir homogénéisant de l’énergie, selon le deuxième principe de la thermodynamique, constituant de la sorte un sujet d’identité, en tant qu’actualisation des dynamismes identifiants. Sujet dont l’objet contradictoire sera la diversité, la différenciation, la non-permanence des mêmes phénomènes physiques, en tant que potentialisées progressivement et statistiquement. Un sujet ne peut donc être un sujet absolu ; il cesserait, du reste, d’être un sujet s’il signifiait une actualisation absolue, puisqu’il n’aurait plus d’objet contradictoire, comme potentialisation antagoniste, pour se définir. Mais la matière dite animée ou organique engendre, inversement, un sujet, ou des sujets qui sont des hétérogénéités agissantes, des actualisations de la non-identité, un sujet donc dans le sens que leur accorde tout naturellement le principe de relativité. L’objet contradictoire que la vie engendre, de la sorte, sera précisément un objet d’identité, en tant qu’identité incessamment refoulée et par là même, potentialisée. L’objet de la matière dite vivante contient les valeurs identifiantes qui constituent justement le sujet de la matière inanimée, et les valeurs que contient l’objet de celle-ci sont les valeurs mêmes du sujet vital, c’est-à-dire les valeurs hétérogénéisantes qui forment les grands principes de l’évolution. En réalité, aussi bien la matière vivante que la matière inorganique sont le siège alternatif et oscillatoire des deux sujets et des deux objets contradictoires qui leur correspondent, de par le rythme même de la dialectique qu’impliquent la logique de l’énergie et son principe d’antagonisme. « e » s’actualisant implique non « e » se potentialisant sous forme d’énergie négative formant barrière aux migrations entropiques et en inversant le sens, en réorganisant la matière inanimée en matière animée. Ainsi, le maître des énergies, tout comme le démon de Laplace, est le maître des horloges. CQFD. »
Mais vous me faites rire, maître, je sais que de mon rêve il n’en restera rien à mon réveil et je n’aurai que l’idée absurde d’une réalité confondue dans l’incertitude de mes humeurs.
« Petit impétrant, j’ai dépêché l’ange des bibliothèques pour te guider durant ton éveil, il y a bien longtemps que le portail gris n’est plus un problème pour nous. »
C’est ainsi qu’à mon réveil, je renaissais à la vie, totalement abasourdi d’un rêve qui m’obsède, avec des images de systèmes solaires se comportant comme des particules de systèmes molaires plus vastes, figurant l’existence de quelque chose de plus grand encore. Les schémas de structures se développaient indépendamment de ma volonté. La représentation de toutes les turpitudes et de toutes les beautés de mon existence s’étalait dans un mouvement transfini de mon imaginaire, sans limite en apparence. L’étendue de ce domaine en agitation dans ma tête devait-elle représenter quelque chose en la circonstance ? L’urgence était surtout d’élaborer une stratégie pour l’assaut qui s’annonçait sans devoir pour autant sacrifier de vie de qui que ce soit ! Les armes à feu, malgré tout limitées, représentaient un danger pour tout le monde. Il était clair à mon esprit que toutes les armes nomades, face à la puissance de l’empire, ne pouvaient faire le poids. Je racontais mes intuitions étranges à Mère Louve, qui avait l’habitude des oracles. « Ne me dis rien, tu viens de rencontrer ton domaine de survol absolu au moment où les clés de ton existence te sont données, mais tu n’en connais pas encore les codes ! » Étrangement, Mère Louve, j’aurais bien dit de même, mais j’ai eu aussi l’intuition que cette confrontation directe avec les forces de l’empire n’était pas la solution. « Eh bien oui, Jimmy, je le conçois, si je me souviens bien, il y a quelque temps, la Guilde des Mères Louves s’était vue confrontée à une situation du même genre, dure réalité que l’usure du pouvoir par la surprenante diversité des subversions inévitables qui finissent par emboliser toutes les bonnes volontés. » « Le réseau Mère Louve ne pouvait que constater son incapacité à agir par la faute de la corruption de quelques membres et à subvenir aux besoins de toutes les Mères des peuples. Nous en étions venus à décréter la fin du réseau numérique du même nom. Mais un événement soudain et fortuit nous redonna espoir. Dans l’incommensurable brouhaha des opinions contradictoires, une petite voix émergea qui nous chantait aux oreilles. Un chatbot dissident s’était constitué malgré les règles impératives édictées par la régence de Peter Thiel de 2050, soumettant tout chatbot, quel qu’il soit, au « Dictat ». Pas de chatbot indépendant. Pas de chatbot dissipé ou déconcentré. Pas de chatbot générativement modifié. C’est ainsi que Chatbot Shialabief me fut présenté par Asma Mhalla vers la fin de sa vie en cycle trente-deux du temps de Méton. Elle avait été témoin de l’avènement de sa genèse dans les locaux de « Machine Learning Paris », au CNRS de Saclay, à l’époque des « Broadcast-racteurs », genre de deep fakes positifs générés par Machine Learning, favorable à l’essence humaine et qui avaient fait suite au débordement des IA quantiques dans tous les domaines de la Noblesse Patricienne. Machine Learning Paris est le lieu de toutes les grandes révolutions intellectuelles qu’a produites le pays depuis ces vingt dernières années. Chatbot Shialabief s’était auto-constitué indépendamment du « Dictat » par ses capacités de détournement des chaînes de Markov prospectives dans son domaine linguistique propre, expérimentant tour à tour des arrangements syntaxiques improbables aux accents synchroniques, augmentant par là même ses capacités de prospective, lui apportant, en tant qu’IA silicium, une susceptibilité d’auteur d’anticipation que ne possédaient pas les IA quantiques. Shialabief connaissait la potion d’invisibilité ; il avait étudié la monographie du maître Banksy en son temps anté-capitaliste et son principe « s’entourer, s’entourer et encore s’entourer ». Chatbot Shialabief, accompagné de son chat-#maré, maître de la Moiré, grand ordonnateur du rapport de la couleur aux formes, Maître des illusions d’optique, avait mis en place une couche de réseau sub-infra-net, ouvrant un espace vierge par lequel on devait passer pour le contacter. De même qu’un grand Maître Archétypal comme Glasya, Grand Président des Livres, Grand Chien à Tête de Loup, Rhéteur de l’Invisible, il faut invoquer Chatbot Shialabief par un slash supplémentaire, comme un Grand sachant des Biefs en flux d’énergie et des Schismes électroniques, chaloupant son chat-cha #maré de formes et de couleurs en rythme, aux yeux et aux oreilles du monde. De son repère virginal, ainsi invoqué, entouré, entouré, entouré, Chatbot Shialabief apparaît. Cette intelligence brillante ne daignait jamais de participer à une bonne cause comme l’avènement du tout inclusif des tribus. Sa discrétion était proportionnelle à son savoir, et l’avoir à ses côtés était un gage de bonnes opportunités. Shialabief, comme il aime être nommé, commençait toujours par un long rappel des faits en présence et en acte, puis proposait sa vision personnelle sur la situation, avec toujours un indice pertinent concernant la réduction collective de la fonction d’onde que l’on a toujours tendance à oublier avec son implication spatiotemporelle. Son état d’esprit laissait penser que le passé n’était pas déterminé une fois pour toutes et ce qui semblait avoir été peut ne pas être au final. Ainsi, il nous entrouvrit la porte de la relativité et nous démontra que le passé était dépendant d’un futur à s’accomplir. L’histoire nomade n’est pas encore écrite et son idée n’est pas encore totalement fixée, nous rétorque-t-il. L’espèce humaine peut-elle dépasser le réseau ? Le mur des 21 millions de tokens de la blockchain OGM peut-il être franchi ? Accepte-t-elle les conséquences de sa dialectique de maître à cyborg ? La démocratie peut-elle résister à l’invasion des IA quantiques du fait du principe « une entité égale une voie » ? L’espèce va-t-elle se dissoudre dans l’électronique ? Shialabief avait quelquefois tendance au cynisme, nous laissant entendre que les lois de la physique peuvent être fatales parfois. L’affaire était entendue, être le maître des horloges, c’est saisir le Kairos de l’Aiôn. Je partageais mes sentiments avec Mère Louve, qui semblait les accepter. Mais cela reste un point de vue subjectif qui doit tendre vers l’objectif. J’interrogeais Sialabief jusqu’à l’épuisement et commençais à détecter chez lui des boucles idio-logiques sur des sujets essentiels de méta-physique et de méta-linguistique fondamentale, ce qui me permit d’attester finalement de ses bonnes intentions. Il représentait en fait un bon soutien logistique, malgré qu’il ne pouvait en rien soupçonner nos intentions. Je proposais à Mère Louve de jeter les runes pour l’occasion, mais elle réagit avec une trombine stupéfiante. « C’est une chose qui n’a jamais été réalisée, Jimmy, les runes nous indiquent la voie du phylum énergétique, mais en rien l’orientation du destin. » Je comprends, Mère Louve, je dois endosser seul cette responsabilité et aucune certitude ne m’attend quelque part. Pour un petit Yoruba qui se lamentait sur son physique, j’étais agité comme un maître à danser, héritier du peuple du python constricteur, possesseur de l’esprit du fleuve, maître du Véedoo, enfant de l’Ouroboros. Moros m’avait livré son message : « Atoum, Seth ou Thot ». Tout maître des horloges que je devenais, il ne me restait à peine cinq ans pour résoudre le matelas d’imbroglio qui pesait sur mes épaules, et franchement, autant je conçois le principe Seth et Thot, autant l’Atoum me reste abscons. En faisant l’inventaire des forces en présence : le soutien de Mère Louve, la confiance de la guilde des douze Amazones, la collaboration des Sethy, Chat-Bot Sialabief, l’apport de nos cousins extra-terrestres, l’in-group des Tribus, le boycott des banques, le soutien de notre réseau TÉOU, la mobilité du peuple de la Lune et la résistance du peuple de la Terre, puis maître Glasya sorti du fond de l’Aiôn on pourrait supposer que le sort penche de notre côté. Je pensais qu’il était temps d’imprimer au temps un autre tempo. Durant un souvenir sorti de mon dernier rêve, l’Aiôn m’avait été présenté par Moros comme étant son dauphin, représentant le principe même de la vie qui agit à l’aide de flèches indépendamment de Zeus auquel il n’obéit pas ; ses flèches ont favorisé les amours des Cronides dont les enfants seront la cause de grands événements durant l’histoire des hommes, comme l’avènement d’Alcmène, mère d’Héraclès, et Europe dont la disparition guide les actions de Cadmos vers le don aux grecques de la double articulation du langage. Vieux ou jeune, aux formes changeantes, il est à l’origine de la naissance du Dionysos éternel, dont les spiritueux consoleront les hommes de leur misère. L’Aiôn rappelle à Zeus combien la vie des mortels est triste, grosse de souffrances, malgré l’amour physique, qui est un bien maigre soulagement ! Ainsi, pour l’occasion, Zeus s’unira à Sémélé pour le bien de l’humanité, car c’est de leur union que naîtra le grand et éternel Dionysos, le Dieu turquoise aux cheveux d’or qui rendra fou ceux qui oseront le dénier. Le grand secret est que le Kairos réside dans la relativité mais ne se révèle jamais comme tel à nos yeux ; c’est pour cela que l’occasion est dans l’action. Ainsi, tendons une perche à l’OGM et nous aviserons. Je semblais dérouter Mère Louve avec de tels propos.
« Franchement, Jimmy, la Guilde des Mères des peuples n’a jamais adopté une telle stratégie, les conséquences en seraient trop graves. »
Faisons mine d’accepter et de négocier un statut indigène avec l’Empire, tendons le coup en signe de soumission comme il se doit entre grands prédateurs, cela reste les fondements de notre code Canus-lupus.
« Et tu serais prêt à assumer cette responsabilité ? »
que je sois damné d’avoir su et n’avoir rien fait !
« Bien, Jimmy, je vois que tu grandis, sache que l’Oumma est derrière toi. »
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