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22- Une solution envisageable pour déjouer le faux semblant de la parole passe par la compréhension et l’assimilation du mécanisme d’articulation entre la forme interne et externe du langage, guidant nos processus d’individuation.
220- Qu’en est-il alors de notre véritable « liberté » vue de cette façon ? Il faut rester optimiste car elle est là devant nous, apparaissant quand il le faut. Savez-vous qu’à l’époque de l’émergence de la conscience, apparurent par la grâce du Noun, les trois fées de la dimension du Sublime : la fée « Déterminée » d’une beauté rectiligne et sans défaut malgré son regard perdu dans le lointain, la fée « Hasard » d’une beauté mutine et sauvage qui, malgré les promesses chuchotées aux oreilles de tous les damnés de l’univers, se cherche encore dans les limbes du désir, et surtout la fée « Relative » d’une beauté inspirante tout autant que subtile, précieuse, fragile mais mutagène, toutes trois grosses de l’enfant chéri, « La liberté ! ». Avec une telle généalogie, je pense que nous devrions être rassurés. Mettez-vous bien en tête que la « Liberté » est quelque chose qui nous appartient en propre mais qui, à la fois, nous échappe et nous reste fidèle à jamais. Il n’y a plus dès lors que le chemin de l’individuation. C’est un principe de différents rapports et de rapports de rapports. Le rapport de soi avec soi en rapport au monde d’avec lui-même. Retraçant au travers des écrits de Nicolas Zavialoff, la pensée de Gustave Speth, nous pouvons deviner dans son analyse des entrailles biologiques de l’individu, les secrets de l’articulation entre la forme interne et externe du langage naturel qui donne la direction de ce que l’on dit et devient moteur des liens sociaux, vecteurs d’émancipation. Pour cela, il faut repartir de la molécule sociale. Étant le couple, c’est un fait qu’il y a une apparition spontanée d’une synchronisation entre deux individus, deux êtres vivants (en psychologie, on le définit par le terme de processus « d’équilibration »), quoique avec un ascendant possible plus ou moins marqué de l’un sur l’autre (obéissant aux principes de la théorie des jeux de Von Neumann).
221- Des liens se nouent en temps et lieu réels entre perceptions et actions lors des coordinations interpersonnelles : « les corps battent en rythme à l’unisson du métal », comme le jeu à quatre mains du forgeron « Ephaïstos » et de son marteleur « Brontès ». Mais c’est souvent, chez l’homme, un rapport de surface, appelé « Synchronisation », dû aux neurones miroirs, et qui nous permet de swinguer sur une piste de danse ou qu’on retrouve particulièrement marqué dans le déplacement plus ou moins cohérent d’une volée d’oiseaux, un banc de poissons, un troupeau d’animaux sauvages où perception et action sont étroitement liées dans des cycles qui constituent la fonction primaire du système nerveux et qui sont indispensables à la survie des organismes, des groupes, des espèces. Il s’agit de l’effet de groupe ; chaque groupe a un rapport à tous les autres de même espèce et d’espèce différente via l’organisation sociale et particulièrement sa forme interne. La forme interne peut être comprise comme l’arbre phylogénique puis anthropogénique des espèces envisagées dans leurs dimensions diachroniques (culturellement, nous appelons cela la tradition). Ce sont tous les constituants subsumés de la réalité physiologique, corporelle et des capacités manipulatoires de l’ensemble des animaux humains et non humains constitués avec le temps dans la lutte pour la survie, plus l’ensemble des mimismes orientés par l’hédonisme, comme l’est l’habilité d’un guitariste reproduisant avec ses doigts le concert des étoiles.
222- La notion de forme interne se conçoit comme « conscience qui n’appartient à personne », mais à laquelle tout individu est relié ; cette forme est une objectivation des mouvements corporels que l’on peut qualifier de perception active et qui est intrinsèque aux comportements adaptatifs et aux comportements langagiers. La forme interne est actualisée chez tout sujet parlant en gestes buccaux générant ainsi les productions linguistiques individuelles, témoignant des phénomènes de subjectivité confrontés à d’autres phénomènes de subjectivité plus ou moins conventionnels. La notion de diversité des langages individuels puis des langues, qui en résulte, est liée au processus de la génération de variabilité, de subjectivité. Le sujet individuel ou collectif, comme élément de cette diversité, est, à sa façon, agent de l’évolution ; il appartient à une réalité matérielle et concrète qui se constitue quoi qu’il en soit et ressemble fort à la « diagrammatique » de Charles Fourier. Cette conscience langagière formant le système de signes produit par le champ sémantique est une conscience langagière qui s’exprime au travers de chacun de nous par un mécanisme de « génération de variabilité » se développant en forme externe figurant la personnalité prosodique des individus, constituant la dimension synchronique de la réalité expressive de cette nature vivante. La sphère culturelle est précisément ce champ des possibles, entrant en jeu dans cette notion de « génération de variabilité » ; cette notion est liée à cette idée de forme interne et elle nous permet d’aborder un certain nombre de questions dans les domaines de la linguistique (Noam Chomsky), de la philosophie (Edgar Morin), de la psychologie (Francesco Varela) et de la science cognitive (Christine Hardy) dans son rapport de la logique formelle à l’imagination active, du paralogisme de l’intellection à l’émotion, du rôle de la subjectivité dans l’édification de l’objectivité, de la notion d’hominisation de la pensée face au fondement du langage animal. Selon Gustave Speth, le langage est une réalité détachée liée à ce réel, à la nature, mais compris et réalisé par la perception active, c’est-à-dire des processus cognitifs correspondant au traitement cérébral des informations au cours de situations comportementales d’adaptation sociale et historique, faisant suite à des phénomènes de sélection naturelle : c’est une création particulière de la vie et par la vie.
223- Dans le domaine des langues indo-européennes comparées à d’autres langues, quatre catégories de mots répondent à cette forme interne par une formation mimique imitative :
1-ceux qui reproduisent les processus physiologiques sonores à l’aide de la bouche et du nez ou l’idée de « cracher », ainsi que les exclamations affectives.
2-ceux qui imitent les phénomènes naturels et sont imités par le bruit et la vibration, le roulement, la résonance.
3-ceux qui sont des gestes vocaux imités en rapport avec l’idée de « lécher ».
4-ceux du babillage des enfants comme « maman » ou dans l’expression « Politique mammélaire ». Chpet ne se fonde pas seulement sur les différences de sens effectuées par des sujets interprétant, dans des systèmes actualisés par la combinaison de segments de composantes sémantiques déterminées.
224- Le signe, pour lui, est de nature relationnelle, mais n’est pas fondé sur la ressemblance ou la dissemblance, la contiguïté ou l’arbitraire des mots à l’intérieur de types sémiotiques, dans un jeu de codéterminations d’éléments qui appartiendraient soit à une logique conceptualiste préétablie comme pour Pierre Abélard, soit à une logique déterminée par des traits sémiques oppositifs, soit encore à une logique nominaliste qui réfute une existence réelle aux universaux en donnant la priorité à l’existence du particulier. Certes, on peut analyser une langue en structures et sous-structures d’unités élémentaires, y trouver des invariants comme force organisationnelle de discours pouvant être symboliquement, culturellement, hégémoniquement sélectionnés par une contrainte économique ou environnementale, mais en réalité, c’est de phénomènes de transition qu’il s’agit de prendre en considération, de l’évolution d’accumulation des connaissances et donc de la langue même, et qu’on peut décrire parce que ces phénomènes, à un moment et en un lieu donnés, dominent et peuvent faire l’objet d’approches statistiques. Ils constituent l’un des moteurs de l’Histoire au même titre que la Violence et le Sacré. Dans le monde physique comme dans le monde des médias, les unités élémentaires sont soumises au mouvement brownien (n’excluant pas des saisies fulgurantes), mais au niveau macroscopique, ces systèmes peuvent être décrits « par des lois déterministes grâce au nombre considérable de particules qu’ils contiennent. La loi des grands nombres rend la variabilité négligeable et rend le système déterministe, bien que les lois sous-jacentes soient probabilistes », « les molécules biologiques sont bien soumises au mouvement brownien et l’expression des gènes est un phénomène probabiliste », leur expression au niveau du « phénotype » et du caractère acquis est bien déterministe. Ces processus opèrent comme forme interne du langage : cette forme est, en réalité, elle-même objectivée à partir de l’usage des mots que font les sujets parlants en situations de vie et de survie ; elle est une sorte de fond subsumant tout langage qui, en retour, l’actualise dans des situations nouvelles ; cette conscience langagière ne se limite pas au langage verbal ; elle implique les moyens non verbaux, dont ceux qu’utilisent les animaux non humains.
225- Ces dimensions physiologiques font valoir déjà la relation entre culture et nature, la prise en compte d’une sémiotique culturelle, celle des signes, liée à la matérialité de l’espace et du temps historiques dans son articulation intensive-extensive. Les ressentis du corps socialisé et ceux du corps biologique sont entre eux coextensifs ; ils le sont à tel point qu’il convient de supposer, dans tout comportement langagier, qu’à chaque perception intellectuelle (intellective) correspond une dimension naturelle (émotionnelle, évaluative), toutes les deux à signifiance sociale et biologique unie. Il n’y a pas, au travers des expériences vécues, d’un côté, la manifestation d’un champ pur de la logique réfléchissant les lois du monde objectif ou celle de la raison et, de l’autre, le champ pur des sensations et pulsions fléchissant les lois de la subjectivité, mais la constitution d’une réalité concrète à la fois physiologique et détachée comme peut l’être le rapport de la psyché vis-à-vis de son soma. Aussi, les notions de nature et de culture sont à considérer dans une approche évolutionniste. Si l’on prend en considération le fait que les comportements humains dans leur développement, retenus par la sélection naturelle, ne renvoient pas à l’idée du seul déterminisme de l’intellection en laissant de côté le processus d’évaluation qu’assume la sensibilité du corps humain, les deux sont en fait dans une relation simultanée. Ainsi, certaines espèces sont presque, au plan interne, « objectivées » (domaine du mimisme) et externes « comportementales » (domaine du mimétisme) de façon quasi identique. Il y a une part de contraintes anatomiques, physiologiques, fonctionnellement similaires. En matière de mécanismes génériques comme la socialité ou le déplacement, les gènes interviennent dans le traitement de l’information par des structures cérébrales déterminées et sont à même de produire des substances indispensables potentiellement à ces comportements, si elles sont sollicitées, actualisées dans un environnement biologique ou social donné. Mais ce dernier, comme système de résonance ou d’imitation, rejette l’uniformité. Ce mécanisme augmente plus particulièrement chez l’homme grâce à la mémoire sémantique collective, historique puis autobiographique révélant par une génération de variabilité : la subjectivité et l’individualité. Elles sont garantes, jusqu’à une certaine limite, de la diversité et donc de l’adaptabilité. Car l’objectivité doit être opératoire et ne pas être identifiée à des formes externes constantes, surtout lorsque celles-ci sont valorisées dans des symbolisations d’ordre idéologique. On parle de variabilité des formes d’expression subjective, dans « la sensibilité opérante », « la prosodie performative », « l’attitude fonctionnelle », « la conception des processus espace-temps ». Cette variabilité pouvant se combiner pour former ce qui constitue la praxis sociale. Autrement dit, l’athanor des expérimentations sociales et démocratiques.
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