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49- Les mouvements collectifs chez l’homme
Considérons que les mouvements collectifs chez l’homme vont du simple regroupement ponctuel aux sociétés fortement hiérarchisées. Les travaux sur les déterminants qui mènent au principe d’intelligence collective avaient débuté dès la fin du siècle dernier, dans la période 1980-2000, dans les milieux de l’éthologie animale et de la sociologie managériale, pour déboucher de nos jours, en 2080, sur un paradigme de l’Intelligence collective naturelle constitué par la science de la forme, la science quantique-relativiste et l’anthropologie combinées. C’est une conception des processus d’évolution des civilisations au regard des préceptes piagéens. C’est-à-dire de l’évolution cérébrale des individus dans leur évolution propre selon le schéma structuraliste, emboîtement des structures cosmologiques, anthropologiques, phylogénétiques, ontologiques des mécanismes conceptuels de logique et d’espace-temps à un moment donné, de leurs structures affectives et du type de pratiques sociales en usage, du régime politique en cause et de la vigueur des idéaux collectifs des groupes constituants. Comme l’a fait en son temps Charles Fourier, il faut considérer la civilisation étudiée dans son ensemble : son passé, son présent, son futur. On peut apposer pour cela une échelle de mesure de ces mutations par comparaison avec un système équivalent, en l’occurrence des mécanismes en renormalisation quantique et lui intégrer un narratif socio-psychanalytique.
La question est : comment les choses peuvent-elles bouger en coordination ? Il faut les éléments minimaux mais nécessaires pour produire le phénomène du mouvement collectif, et pour les comprendre, il faut les apports de la physique statistique et des phénomènes dits « hors de l’équilibre ». Ce sont des propriétés universelles émergentes, vérifiables et observables à toutes les échelles du monde. Un groupe humain, comme tout groupe animal, fonctionne primitivement sous l’influence d’un leader. L’humanité évoluant, elle multiplie la prolifération de leaders de moins en moins influents et d’apparitions de plus en plus spontanées. Ce fait est à rapprocher des conséquences de la constante de Boltzmann dans les convections thermodynamiques. Nous en venons à la société contemporaine fonctionnant en foules homogènes répondant à la mécanique des fluides, comportant au moins six pour cent d’éléments interacteurs dans les groupes fonctionnels pour son optimal. Cet état de stabilité peut être dépassé au risque d’une volatilité totale du processus social, pouvant être produit par l’éros des inconscients collectifs transformant les violences individuelles et institutionnelles régulatrices en perturbations érotiques incontrôlables. L’état d’intelligence collective humaine étant situé dans une zone intermédiaire entre la société contemporaine hautement technologique et la société de l’éros débridée, il s’agit d’une fine strate époque Intermédiaire spécifique coincé entre ces deux strates magistrales où le comportement des individus atteint un certain taux de liberté, de réactivité et de connexions tout azimut, de telle manière que tous les types d’actions et de relations se font sans heurt, sans confrontation tragique et dans une joie sensuelle collective qui reprend le modèle du nuage de Bose-Einstein où les particules évoluent entre elles dans une extrême volatilité sans qu’aucune particule ne se percute et par conséquent, sans élévation de température. Idem pour le modèle de la supraconduction qui se produit à l’approche du zéro absolu et du modèle de l’état plasma. C’est une « soupe » d’électrons extrêmement actifs, dans laquelle « baignent » également des ions et des particules neutres arrachés à l’entropie irréversible. Bien que globalement électriquement neutre, le plasma est très sensible à l’action de champs électriques, magnétiques et électromagnétiques (internes comme externes), ce qui rend sa dynamique, en général, d’une grande complexité d’influences réciproques. Pour l’homme, ce miracle se produit par une attitude anévrotique des individus qui développent des actions et des liens affectifs multiples et en toute simplicité, que l’on peut traduire par « Supra-coolitude ».
Donc, on peut considérer deux bornes extrêmes à une société donnée : l’état d’absolutisme total et l’état d’anomie intégrale. Entre ces deux bornes, les époques fonctionnent comme des strates, des processus stratifiés en construction, en co-construction, en échange d’influences d’un futur possible sur le présent et du présent depuis le passé. Les strates-époques s’empilent et s’additionnent deux à deux par les mêmes processus que l’on observe dans les enchaînements de transitions de phases en météorologie, mettant en œuvre des mécanismes de renormalisation thermodynamique. Une strate-époque fonctionne en sub-strate, strate et para-strate en relations permanentes, présentant un empilement spécifique et caractéristique des empilements de transition de phase avec des densités et des amplitudes propres à chacune des époques dans un contexte d’évolution non linéaire.
La période pré-pharaonique est la plus ample et la plus atypique des périodes qui a abouti à l’émergence de l’Empire le plus totalitaire qu’il soit possible de concevoir : l’Empire des pharaons. Par les échanges commerciaux en extension, nous en arrivons à l’époque archaïque ; l’étau se desserrant générera une strate-époque plus dense mais plus courte. Les déterminants fondamentaux auront perduré mais auront changé de formes et d’aspect. Les périodes se construisent par opposition les unes aux autres, échangeant par l’intermédiaire des sub-strates et des para-strates leurs influences réciproques. Ainsi, jusqu’à l’époque contemporaine, la société occidentale et ses extensions mondiales entamèrent une trajectoire de régression, plausible selon des présupposés darwiniens de réversions ou d’évolution énantiodromique de la société.
Nous en étions venus, en 2080, au douzième cycle du temps de Méton, à attendre les signes de la para-strate intelligente et de la fameuse sub-strate érotique, mais en vain. Voilà pourquoi l’annonce de petit Benoît fut accueillie comme la venue du Messi.
En ce début de douzième cycle 129, l’Europe continentale traverse des troubles alimentés par l’émergence soudaine des formations tribales en phase de multiplication et d’accélération. En quelques années, les rivalités entre les tribus dites lycanthropes à l’effigie de tête de louve, les Sethy à deux têtes et les Panistes aux représentations satanistes à tête d’Anubis rendaient le contrôle du territoire impossible. C’est que le fameux « in-group » des tribus, quelles qu’elles soient, en font leurs forces. La réforme des mathématiques n’est pas en reste dans les causes de désorientation du bon sens général. Les périodes de transition comme celle-ci sont souvent des périodes qui voient émerger les monstres dans tous les pans de la société. Ainsi, la super « Salesmen-sphère » mercantile des influenceurs transhumanistes de Wall Street avait vu émerger une série de gourous de la géo-ingénierie climatique high-tech vampirisant tous les investissements nécessaires dévolus au tissu social dans un état de désarroi sur tous les plans de l’éducation, la santé, la justice. Un Rougeoie Saint-Jolie a laissé son nom comme celui qui a détruit les saisons à force d’idées révolutionnaires pour lisser le climat. Avant lui, d’autres influenceurs transhumanistes avaient laissé des traces dans les mémoires collectives. Les conséquences de leur inconséquence sont incommensurables. C’est aussi l’époque des villages écologistes qui s’épanouissent dans le centre de la France, reprenant en main de petites bourgades délaissées par la civilisation impériale. Ils revitalisent les lieux de leurs infrastructures d’autonomie pourvu qu’il y coule encore un peu d’eau. Récupérateurs d’eau dans toute la commune, méthanisateurs publics et particuliers, compostage et recyclage de tout, éoliennes individuelles sur les toits, végétalisation en masse de tous les espaces disponibles, champs photovoltaïques sur l’ensemble des surfaces artificialisées, développement des tiers-lieux de rencontres et de services, développement des lieux d’enseignement techniques et écologiques, Multiplication des jardins communautaires de permaculture rendant gratuite pour tous le village la consommation de légumes, organisation des infrastructures et institutions de telle manière que la circulation essentiellement cyclable suffise largement pour assurer le quotidien. Ces villages écologistes, dans leur dynamique d’autonomie, avaient en retour la fâcheuse tendance à l’esprit de clocher et ressemblaient un peu, par leur défiance vis-à-vis des voyageurs de passage, aux cité-états de la Grèce antique.
Ces villages possèdent tous leur lot d’éco-énervés et d’éco-terroristes détenteurs d’armes à feu. Le danger était que la possession d’armes à feu est irrémédiablement interdite dans tout l’espace national et que la possession en est tout simplement passible de la peine capitale. C’est que l’Empire possédait ses tâches aveugles, comme le fait d’avoir aboli la peine de mort pour tout patricien de l’Empire, mais garde bonne conscience à l’élimination physique des « indigènes », comme ils aiment nommer tous ceux qui vivent hors des murs. La résistance dans le pays est féroce. Dans cette situation de conflits, l’Europe n’a pas besoin de cette contagion soudaine et massive de sectes christiques et satanistes dans l’espace paisible du village global. L’Empire ne peut laisser prospérer ce phénomène et doit réagir, mais cela passe par la recherche des patients zéro à l’origine de ces psychoses collectives. Cela s’avère difficile tant les hashtags panistes, devenant de vastes églises œcuméniques émergent de toutes parts. Les catchphrases idéopathes qui semblent asséner aux oreilles des angoissés, toutes sortes de vérités sorties de l’antre de l’enfer, font que les « superspreaders » complotistes les relayent trop frénétiquement pour être endigués ; la situation semble désespérée.
C’est dans ce contexte de mutation de la société occidentale, bientôt usée par la violence, que ce petit Benoît émerge au monde. Un monde fait encore de faux-semblants d’une ère révolue qui n’en finit pas de mourir, des voix dérobées d’un monde qui se met en place de manière chaotique, des doubles fonds de deux ordres qui s’affrontent et des zones d’exclusion qui en découlent à leurs contacts. Mais aussi de la réémergence des rivalités ancestrales des régions franciliennes et de la corruption de la pensée et du langage par des tenants de l’Empire potentat maintenant mondialisé.
Grâce à la bienveillance de douce maman, petit Benoît put naître, malgré tout, dans un cocon familial solide comme un clan Bonanza. Voyez bien le fait que Maman possédait deux frères aînés très protecteurs, plein de cousins espiègles et attentifs, des petits neveux partout, et ses grandes amies Alba et Lya, les deux bonnes fées de « l’enfant à la subtilité divine ». La chambre de maman à la clinique obstétrique du Bois d’Amour a été squattée en permanence par tout un staff qui n’en finissait pas d’enfler au fur et à mesure que la pression médiatique s’intensifiait.
Yvan Beckerman, le leader des écovillages et des zadistes, avait adressé un message de soutien et d’encouragement à Maman, offrant pour l’occasion ses services et ceux des éco-militants du centre au clan Claire Maestro, celui de « Maman » pour les aider à faire face. Yvan est un ancien hacker de la Fsociety qui s’est révélé au monde suite au succès de la série « Mr Robot » au moment de l’émergence de Rougeoie Saint-Jolie sur les réseaux sociaux et à la suite de Dog Baldwin, la bande des transhumanistes. Cet événement avait déclenché le conseil de la nouvelle Fsociety qui avait pris la décision d’autoriser Yvan à quitter le groupe pour partir à l’assaut des consortiums financiers mondiaux sans le masque de l’Anonymous. Il s’était fait connaître pour sa stratégie des « vélo-percepts » qui produisent encore manifestement des résultats. Le principe est de disséminer des micro-nudges en cascade sur les réseaux sociaux à partir d’expériences empiriques des militants écologistes et luddistes sur le terrain. Un vélo-percept était un virus graphique configuré pour perturber tous les systèmes avec des micro-messages de quelques secondes et qui devait agir, s’ils étaient bien construits, sur l’inconscient psychique des utilisateurs avec des mèmes touchant autant nos angoisses climatiques, le stress hydrique que des messages de type ASMR touchant les plus fondamentaux de nos métabolismes physiques et psychiques, nous rappelant par cette voie de flux sympathiques notre place dans la nature. Autant l’Empire en était infesté que les vélo-percepts renaissaient de leurs cendres au fur et à mesure que les spécialistes de la désinfection pratiquaient leur éradication. De là étaient venues les menaces de mort du président de l’agglomération parisienne à l’adresse d’Yvan Beckerman, que ses vélo-percepts avaient rendu fou en voyant la conversion rapide des patriciens de l’Empire au militantisme écologique.
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