



17- Nous savons maintenant que l’intuition nous donne la chose dont l’intelligence ne saisit que la transposition spatiale et que le talent ne tombe pas du ciel, mais émane du tréfonds de l’Être.
170- Depuis ce renouveau de la métaphysique consécutif à la mort d’Henri Bergson et d’Albert North Whitehead, nous savons que l’intuition nous donne la chose dont l’intelligence ne saisit que la transposition spatiale, sa traduction métaphorique, la chose visée étant « l’élan vital ». Nous vivons cette relation avec le temps au travers d’un processus d’endosmose, c’est une absorption jusqu’à la saturation de l’extensif dans notre aperception sous la forme du temps vécu, résultat de la projection de l’envahissement de l’espace dans notre continuum intensif vécu comme un intérieur, mais aussi comme le fil de notre histoire se développant dans la durée. Ainsi, Bergson nous dit : « Notre existence se déroule dans l’espace plutôt que dans le temps : nous vivons pour le monde extérieur plutôt que pour nous ; nous parlons plutôt que nous ne pensons : nous « sommes agis » plutôt que nous n’agissons de nous-mêmes. Agir librement, c’est reprendre possession de soi, c’est se replacer dans la pure durée. » De la liberté suit l’intuition, suit la création. Le principe de création est un principe essentiel. Qu’un artiste ou quiconque crée, il crée du possible en même temps que du réel, la nature nous fournissant des potentiels que l’on décide de réaliser ou pas.
171- Qu’un homme pris par le talent crée une œuvre : la voilà réelle et par là même elle devient rétroactivement possible. L’avenir influe sur le présent, le présent introduit quelque chose dans le passé, l’action remonte le cours du temps et vient imprimer sa marque comme un reflet dans le rétroviseur. Au fur et à mesure que la réalité se crée, imprévisible et neuve, son image se réfléchit derrière elle dans le passé indéfini, mettant en œuvre le principe d’intemporalité du schème technique. Elle se trouve ainsi avoir été de tout temps possible, mais c’est à ce moment précis qu’elle commence à l’avoir toujours été, et voilà pourquoi sa possibilité, qui ne précède pas sa réalité, l’aura précédée une fois la réalité apparue. Par le principe de création, le possible est donc le mirage du présent dans le passé. Ainsi, prenant en compte ce fait, on peut penser que la réalité de l’inconscient dans la conscience moderne ne préexistait pas à sa découverte. De plus, l’esprit humain est ainsi fait qu’il ne reconnaît le nouveau qu’une fois que cesse sa tentation de ramener ce nouveau réel émergeant à de l’ancien. Toute la beauté de l’intuition de Freud se tient là.
172- Ces grands penseurs nous ont ouvert la voie de la compréhension des mécanismes de l’intuition en nous la décrivant dans son développement. Henri Poincaré nous en propose une méthode, « foi de mathématicien ». Rappelons que nous appelons subjectif ce qui paraît entièrement et adéquatement connu, objectif ce qui est connu de telle manière qu’une multitude toujours croissante d’impressions nouvelles pourrait être substituée à l’idée que nous en avons. L’intuition chez un scientifique s’appelle « Euréka », mais cet « Euréka » de nature objective, quand il se produit, n’est pas venu seul. Dans un premier temps, c’est le caractère spécifique du scientifique qui l’a conduit à s’interroger sur un fait à découvrir. Selon Gilles Deleuze, c’est la contrainte et la nécessité qui créent la question philosophique. Pour mon cas, c’est le souvenir d’une situation particulière dans la cour de récréation de l’école de mon enfance où la bande des petites terreurs m’ordonnait de les rejoindre en m’expliquant texto : « Dans la vie, il y a les « enculeurs » et les « enculés ! ». Principe que je n’ai jamais réussi à intégrer. Ainsi, c’est donc qu’elle lui correspond personnellement en quelque sorte. Et dans sa quête, il devra se munir d’une bonne dose d’imagination, car on ne fait de découverte, même scientifique, qu’avec l’imagination.
Téléchargez le Pdf ➤➤➤ Suite du texte ➤➤➤
