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20- L’intuition créatice ne se laisse pas saisir. Nous n’avons que la solution de nous mettre en condition de pouvoir la recueillir au mieux.
200- Mais la liberté n’est pas vérité et la distance parcourue ne présage pas de la qualité du résultat. Même muni d’un bon bagage de vigilance « Sérendipe » (la sérendipité est la présence d’esprit de reconnaître des choses inconnues), les filets de l’intuition peuvent nous remonter vides ou nous pouvons passer à côté d’une perle noire quand on est persuadé que toutes les perles sont blanches. L’intuition ne fonctionne pas comme un jackpot et l’obsession n’est pas une solution, il faut lâcher. Comme le point de contact entre matière et esprit se situe au niveau électronique, le point nodal entre le soma et l’Âme humaine s’appelle le langage, qui est lui-même appuyé sur un colossal palindrome d’inconscient cognitif dans lequel les schémas répétés de l’habilité risquent la surchauffe. Nous discrétisons le monde à partir d’une réalité continue, c’est ainsi que l’on peut utiliser l’ardoise magique, l’oubli volontaire. Cet oubli volontaire consiste à pratiquer ce que l’on appelle « le dépaysement ». Le dépaysement dans ses activités, dans son environnement, dans ses fréquentations, dans son discours. Il faut effacer l’empreinte psycho-physiologique que le travail intellectuel a laissée en regravant dans sa corporalité même, de nouveaux processus psycho-physiologiques. Pendant ce temps, la rumination de la problématique engagée continue son chemin dans les profondeurs de la conscience. Il faut cependant rester vigilant, la rumination est plus intensive durant le sommeil et l’intuition peut surgir du préconscient dès le réveil, il faut être en état de la recueillir. Dans le cas où l’intuition tarderait, il faut tenter une nouvelle plongée ; la méditation pleine conscience est une solution, la respiration holotropique une autre, le caisson d’isolation sensorielle est une affaire de spécialiste, ou tout simplement contrôler sa respiration par la musique en faisant passer son rythme cardiaque de 120 « battements par minute » caractérisant l’hyper-vigilance à 40, amenant la fréquence cérébrale de l’état bêta à l’état thêta, ou toute autre solution qui tend à détacher l’encrage de l’esprit au corps dans un processus « dissociatif » endogène. En résumé, ce trope d’auto-détermination étant la réalité concrète à l’origine de toute conscience et par incidence la liberté étant la représentation symbolique que cette même conscience se fait d’elle-même, cette liberté lui est inaccessible en propre mais définit les conditions pour cette même conscience de se réaliser et le processus d’individuation en est son chemin.
201- Donc, en conclusion, nous pouvons estimer avec Goethe et Novalis que la théorie de la forme est à la hauteur d’un principe de contemplation du monde et que sa mise en application en est l’intuition créatrice par l’intelligence collective, ce que l’on retrouve dans les intuitions théosophiques. Dans le cas de l’intuition esthétique, Henri Bergson nous explique qu’il y a donc des phases distinctes dans le progrès d’un sentiment esthétique, comme dans l’état d’hypnose, et ces phases correspondent moins à des variations de degré qu’à des différences d’état ou de nature. Mais le mérite d’une œuvre d’art ne se mesure pas tant à la puissance avec laquelle le sentiment suggéré s’empare de nous qu’à la richesse de ce sentiment lui-même :
En d’autres termes, à côté des degrés d’intensité, nous distinguons instinctivement des degrés de profondeur logique ou d’élévation. En analysant ce dernier concept, on verra que les sentiments et les pensées que l’artiste nous suggère expriment et résument une partie plus ou moins considérable de son histoire. La plupart des émotions sont grosses de mille sensations, sentiments et idées qui les pénètrent. Chacune d’elles est donc un état unique en son genre, indéfinissable, et il semble qu’il faudrait revivre la vie de celui qui l’éprouve pour l’embrasser dans sa complexe originalité. Pourtant, l’artiste vise à nous introduire dans cette émotion si riche, si personnelle, si nouvelle, et à nous faire éprouver ce qu’il ne saurait nous faire comprendre. Il fixera donc, parmi les manifestations extérieures de son sentiment, celles que notre corps imitera machinalement, de manière à nous replacer tout d’un coup dans l’indéfinissable état psychologique qui les provoqua. Ainsi tombera la barrière que le temps et l’espace interposaient entre sa conscience et la nôtre ; et plus sera riche d’idées, gros de sensations et d’émotions le sentiment dans le cadre duquel il nous aura fait entrer, plus la beauté exprimée aura de profondeur ou d’élévation. Les intensités successives du sentiment esthétique correspondent donc à des changements d’état survenus en nous, et les degrés de profondeur en plus ou moins grand nombre des faits psychiques élémentaires que nous démêlons confusément dans l’émotion fondamentale. Mais les intuitions créatrices ne se constituent et se structurent qu’avec la seule, la vraie liberté, qui ne se laisse pas donner.
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