Temps de lecture :




6- Quand l’Utopie nous ouvrent aux prémisses de l’intuition créative c’est à l’autonomie individuel et collective que le monde s’ouvre.
60- L’Utopie n’est pas qu’une question de vérité et de justice, c’est beaucoup plus une question d’Esthétique selon le philosophe Ernst Bloch. Esthétique de la pensée autant qu’Esthétique formelle. La Justice et la justesse, comme le Beau contemplatif et le Beau sensuel, mènent au vrai qui est le domaine du spirituel. Pour le domaine du Bien, il faut s’impliquer, se « super-impliquer », prêt à en assumer les conséquences. Mais sachant que toute chose produit son contraire, l’humilité est de mise. « Même la société évolue », disait Henri Bergson, « le devoir de l’homme d’État est de suivre ses variations et de modifier l’institution quand il en est encore temps, car sur dix erreurs politiques, il y en a neuf qui consistent simplement à croire encore vrai ce qui a cessé de l’être. Mais la dixième, qui pourra être la plus grave, sera de ne plus croire vrai ce qui l’est pourtant encore. », « Pour chaque nouveau problème, sa résolution demande un effort nouveau ».
Seul l’acte de création pur, produisant malgré tout autant de déchets que de résultats comme toute chose produite, génère un bien apparent supérieur.
Ainsi, pourrions-nous faire sans l’Utopie ? Assurément non, ce sont les utopistes qui cherchent, trouvent les conditions et créent les solutions. L’utopie de Charles Fourier était de penser que les hommes étaient capables à la fois de s’accomplir tout en s’accordant entre eux pour gérer la cité du « Très grand homme », la cité de l’homme sans violence. Tel était également l’Utopie de Gabriel Tarde, adepte de la « Monadologie » liebnitzienne, qui, à la suite de Charles Fourier, en 1890, posait les bases d’une psychologie sociale tournée vers la mécanique de l’imitation au cœur du processus d’apprentissage de la vie. C’est le fait de notre structure cérébrale recelant des neurones « miroirs » dans le cortex préfrontal gauche, siège des processus conscients, nous classant dans la branche des mammifères simiesques. Le processus d’imitation explique autant le profil psychique d’un criminel (Gabriel Tarde est le fondateur de la criminologie) que le processus interne de la motivation chez l’artiste. Ainsi, il nous démontre qu’un individu dans sa vie a le choix permanent entre ces deux axes, ces deux modèles. Outre ses ouvrages d’analyse sociale, il nous livre un roman d’anticipation utopiste, « Fragment d’histoire future, 1896 ».
61- Henri Bergson disait de lui : « L’histoire de la philosophie nous apprend à distinguer deux genres de penseurs. Il en est qui choisissent leur direction et qui marchent méthodiquement au but, s’élevant, de degré en degré, à une synthèse voulue et préméditée. Il en est d’autres qui vont, sans méthode apparente, où leur fantaisie les mène, mais dont l’esprit est si bien accordé à l’unisson des choses que toutes leurs idées s’accordent naturellement entre elles. Leur réflexion, partant de n’importe où, et s’engageant dans n’importe quelle voie, s’arrange pour les ramener toujours au même point. Leurs intuitions, qui n’ont rien de systématique, s’organisent d’elles-mêmes en système. Ils sont philosophes sans avoir cherché à l’être, sans y avoir pensé. À la race de ces derniers appartient Gabriel Tarde ». Quelle belle oraison de la part d’un philosophe de la Conscience (Bergson) envers un sociologue de l’esprit, et quelle illustration de ce que l’on appelle aujourd’hui un principe de « récursion organisationnelle » de la pensée et de « récursion rotative » (le terme anglo-saxon est feedback loop), consistant dans ses principes de réflexion personnelle à pratiquer une exploration totale de tous les différents aspects d’une question. Ce qui constitue l’une des trois bases de la pensée complexe développée par le sociologue et philosophe Edgar Morin, avec le principe d’analyse dialogique (on peut utiliser par exemple la logique modale qui explore les possibles et la logique du tiers inclus qui en explore les conséquences), plus le principe « hologrammique » (la partie est dans le tout et le tout dans la partie) ou « systémique » (mettant en œuvre les principes de néguentropie du physicien Heinz von Foerster débouchant sur la seconde cybernétique).
62- Ces trois concepts étant inter-reliés et formant une fois synthétisés et mis en application dans une méthodologie exploratoire, sont les voies qui mènent à l’autonomie de penser et d’agir. C’est un processus né de l’ordre et du désordre qui pourrait être infini, car il s’auto-génère (ce sont aussi les états loin de l’équilibre d’Ilia Prigogine). Le début s’alimente de la fin de la boucle, la fin devenant donc le début. « C’est une boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit » et qui peut être entretenue.
Téléchargez le Pdf ➤➤➤ Suite du texte ➤➤➤
