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43- Parti pour Croatan ! Ou « Les Utopies Pirates »
430- Les études d’Akim Bey nous révèlent que les pirates et les corsaires du 18e siècle ont tissé un « réseau de l’information » qui a recouvert la surface du globe : bien que primitif et dédié essentiellement aux trafics, il a néanmoins admirablement fonctionné. Éparpillé au travers de ce réseau, il y avait des îles, des cachettes isolées où les bateaux pouvaient faire le plein d’eau fraîche et de nourriture, échanger de la verroterie contre des produits de luxe ou des biens de première nécessité. Certaines de ces îles abritaient des « communautés d’intention », de véritables mini-sociétés multiculturelles vivant en toute conscience en dehors de la loi et déterminées à continuer de vivre ainsi, fut-ce pour un moment bref, mais joyeux. Si nous cherchons un lieu où règne la liberté, l’égalité de traitement et la fraternité, ce n’est pas dans l’empire que nous devons le chercher, mais dans ces enclaves temporaires. Il y a quelques années, un grand nombre de matériaux secondaires sur la piraterie ont été examinés dans l’espoir de découvrir une étude concernant ces enclaves – mais il est apparu qu’aucun historien ne les avait estimées dignes d’analyse (William Burroughs a mentionné le sujet, ainsi que l’anarchiste britannique Larry Law, mais aucune recherche systématique n’avait été entreprise). J’ai dû me rabattre sur les sources primaires et construire ma propre théorie. Akim Bey appelle ces implantations des « Utopies pirates ». Il y a peu, Bruce Sterling, l’un des représentants de la science-fiction cyberpunk, a publié un roman se déroulant dans le futur proche et basé sur le postulat que la chute des systèmes politiques engendrera une prolifération décentralisée d’expériences sociales : des méga-usines autogérées, des enclaves indépendantes dédiées au piratage de données, des enclaves de social-démocratique écolo, des enclaves de Non-Travail, des zones libérées anarchistes, etc. L’économie de l’information qui induit cette diversité est appelée le Net ; les enclaves (et le titre du livre) sont « les îles du Net ». Nous qui vivons dans le présent, sommes-nous condamnés à ne jamais faire l’expérience de l’autonomie, à ne jamais nous tenir debout, ne fût-ce que pour un bref instant, sur un bout de terre qui soit dirigé par la seule liberté ? En sommes-nous réduits à la nostalgie du passé ? Devons-nous attendre que le monde soit libéré de tout contrôle politique afin que l’un d’entre nous puisse enfin clamer sa connaissance de la liberté ? La logique et le ressenti s’unissent pour condamner une telle supposition. La raison dicte que l’on ne peut se battre pour obtenir ce que l’on ne connaît pas ; le cœur se révolte face à un univers suffisamment cruel pour infliger de telles injustices à notre seule génération dans toute l’histoire de l’humanité. Dire « je ne serai libre que lorsque tous les êtres humains (ou toutes les créatures intelligentes) seront libres » c’est simplement s’engoncer dans une stupeur de nirvana, abdiquer notre humanité, nous définir comme des perdants. En extrapolant du passé et du futur des histoires à propos « d’îles dans le net », nous pouvons réunir des preuves qu’une certaine forme « d’enclave libre » est non seulement possible à notre époque, mais qu’elle existe. Toute la recherche, toute la spéculation d’Akim Bey, s’est bâtie autour du concept de « Zone Autonome Temporaire », une ZAT en français. « En dépit de sa force synthétique, je ne voudrais pas que l’on prenne la ZAT pour quelque chose de plus qu’un « essai » (une tentative), une suggestion – presque une fantaisie poétique. Malgré un certain enthousiasme rantérien (secte religieuse professant l’antinomisme) dans mes propos, je n’essaie pas de construire un dogme politique. » « En fait, je me suis défendu de définir la ZAT – lançant de-ci de-là quelques rayons extrapolaires. À la fin, la ZAT est quasiment explicite par elle-même. Si l’expression devenait courante, elle serait alors comprise sans aucune difficulté… la compréhension dans l’action. » « Si l’Histoire est le « Temps », ainsi qu’on le présente, alors l’insurrection est le moment interdit, une négation impardonnable de la dialectique – se hisser en haut de la perche et passer par la cheminée du tipi, une manœuvre de chamane faite dans un « angle impossible » par rapport à l’univers.
431- L’Histoire nous dit que la Révolution atteint à la « permanence », ou du moins à la durée, tandis que l’insurrection est une « expérience paroxystique » en opposition aux standards de la conscience et de l’expérience « ordinaires ». Une insurrection, comme les festivals, ne peut arriver tous les jours – autrement ils ne seraient plus « non-ordinaires ». Mais de tels moments d’intensité posent les fondements et définissent le sens de toute une vie. Le chamane revient – il ne peut rester à jamais sur le toit – mais les choses ont changé, des aménagements et des intégrations ont eu lieu – une différence s’est faite jour. Vous pourrez me dire qu’il s’agit là d’une exhortation au désespoir. Quid du rêve anarchiste d’un État a-étatique, de la Commune, de la zone autonome durable, d’une société et d’une culture libres ? Devons-nous abandonner cet espoir en échange de quelque acte gratuit existentialiste ? La question n’est pas de changer la conscience, mais de changer le monde.
Deux remarques. – Primo, la révolution n’est jamais parvenue à réaliser ce rêve. La vision ne prend vie qu’au moment de l’insurrection, mais aussitôt que la Révolution triomphe et que l’État renaît, le rêve et l’idéal sont trahis (revoir à ce sujet l’admirable analyse de Ted Kaczynski dans Révolution Anti-Tech). – Secundo, même si nous remplacions l’approche révolutionnaire par un concept d’insurrection qui fleurirait spontanément dans une culture anarchiste, notre propre situation historique n’est pas propice à une telle entreprise. Absolument rien, si ce n’est un futile martyre, ne pourrait résulter d’une confrontation avec l’État absolu, l’État méga-trust de l’information, avec l’empire du spectacle et de la simulation. Ses armes sont toutes pointées sur nous, alors que notre maigre arsenal n’a pas d’autre cible que l’hystérésis, une vacuité inflexible, un fantôme capable de réduire la moindre étincelle en un ectoplasme d’information, une société de la capitulation gouvernée par l’image du flic et l’œil-buvard de l’écran de télé. Bref, nous ne voulons pas refourguer la TAZ/ZAT comme une fin en soi exclusive, en remplacement de toute autre forme d’organisation, de tactique et de but. Nous la recommandons, car elle peut fournir une amélioration qualitative associée à l’insurrection, sans mener obligatoirement à la violence et au martyre. La ZAT est comme une insurrection qui n’affronte pas directement l’État – une opération de guérilla qui libère une zone, une opération de « The Yes Men » (d’un pays, d’un temps, de l’imagination) et, avant que l’État ne puisse l’écraser, se dissout afin de se reconstituer n’importe où, n’importe quand. Du fait que l’État se préoccupe tout d’abord de la Simulation plutôt que de la Substance, la ZAT peut « occuper » clandestinement ces zones, ces friches et y entreprendre, pour un certain temps, ses activités festives sans trop de risques. Il se peut que quelques petites ZAT aient pu durer des vies entières, indécelables enclaves de cul-terreux – car n’ayant jamais croisé le Spectacle, n’étant jamais sorties de la vraie vie qui demeure invisible aux agents de la Simulation. Babylon prend ses abstractions pour des réalités ; c’est dans cette marge d’erreur que la ZAT peut naître. Le lancement d’une ZAT peut impliquer des tactiques de violence et de défense, mais sa plus grande force repose dans son invisibilité – l’État ne peut la reconnaître, car l’Histoire n’en a pas posé de définition. Dès que la ZAT est nommée (représentée, définie), elle doit disparaître – elle disparaît en ne laissant derrière qu’un nuage de poussières, pour resurgir ailleurs, à nouveau invisible, car indéfinissable selon le dictionnaire du Spectacle. La ZAT est ainsi la tactique parfaite pour une époque où l’État est omniprésent et omnipotent, quoiqu’en même temps parsemé de fissures et de zones vides.
432- Et puisque la ZAT est un microcosme de ce « rêve anarchiste » d’une culture libre, il n’y a rien qu’on ne puisse concevoir comme meilleure tactique, afin d’œuvrer dans ce but tout en en retirant déjà certains bénéfices ici et maintenant tels que l’« Amitié », la « Solidarité », la « Fraternité ». En résumé, le réalisme ne requiert pas seulement que nous abandonnions notre attente d’une « Révolution », mais également que nous arrêtions de la désirer. « L’insurrection » oui ! – aussi souvent que possible, fût-ce au risque de la violence. La spasmodie de l’État Simulé sera « spectaculaire », mais dans la plupart des cas, la meilleure et la plus radicale des tactiques sera de refuser de l’affronter dans une violence spectaculaire, de faire retraite d’une zone de simulation, de disparaître. La ZAT est un camp de guérilleros ontologistes : frapper et disparaître. Garder « la tribu » en mouvement, même s’il ne s’agit que de données sur le web. La ZAT doit être capable de se défendre ; mais l’attaque et la défense doivent, si possible, éviter la violence de l’État qui n’est plus une violence constructive. L’attaque est dirigée contre les structures du contrôle, principalement contre des idées ; la défense est l’invisibilité, un art « occulte » au sein de l’art martial. La « machine de guerre nomade » conquiert sans se faire remarquer et se déplace avant que la carte puisse être dressée. Pour le futur : seul l’autonome peut planifier l’autonomie, s’organiser pour elle – la créer. C’est une opération autogène : la première étape est proche du satori, comment la réalisation que la ZAT suscite se produit ? « Par un simple acte de réalisation. C’est le CQFD ». Le concept de la ZAT émerge tout d’abord d’une critique de la révolution et d’une mise en valeur de l’insurrection. Même si cette dernière est étiquetée par la première comme un échec, pour nous, elle représente une éventualité bien plus intéressante selon les critères de la psychologie de la libération que toutes les révolutions « réussies » de la bourgeoisie, du communisme et du fascisme. Donc la Révolution est fermée, mais l’insurrection est ouverte. Pour le moment, nous concentrons nos forces sur des « surtentions », en évitant de nous empêtrer dans des « solutions finales » quelconques. Et la carte est fermée, mais la zone autonome est ouverte. Métaphoriquement, elle se déplie au sein des dimensions fractales, invisible à la cartographie du Contrôle. Ici nous devons introduire le concept de la psychologie et de la psycho-topographie comme science alternative à celle du levé et de la cartographie de l’État, et à « l’impérialisme psychique ». Seule la psycho-topographie (nous possédons par exemple un noyau Rythmo-topologique qui nous traduit les structures rythmiques du monde en représentations esthétiques et spirituelles de l’existence) peut dresser des cartes de la réalité à l’échelle 1:1, car l’esprit humain seul possède la complexité nécessaire à la modélisation du réel. Mais une telle carte ne peut « contrôler » son territoire, car tous deux sont virtuellement identiques. Elle ne peut être utilisée que pour suggérer, dans le sens de porter vers, certaines caractéristiques.
433- Nous cherchons des espaces (géographiques, sociaux, culturels imaginaux) qui ont le potentiel de fleurir comme zones autonomes et nous cherchons des temps où ces espaces sont disponibles soit parce que l’État les néglige, soit parce qu’ils demeurent imperceptibles au cartographe. La psychologie et la sociopsychologie sont l’art de radiesthésier les TAZ potentielles et futures. Cependant, les fermetures de la Révolution et de la carte ne sont que les sources négatives de la ZAT ; il reste beaucoup à dire sur ses inspirations positives. La réaction seule ne peut fournir l’énergie nécessaire à « manifester » la ZAT. Une insurrection doit aussi y jouer son rôle.
1- Tout d’abord, nous pouvons parler d’une véritable anthropologie de la ZAT. La cellule familiale est la base de la société du consensus, mais pas pour la ZAT. « Famille, je vous hais ! Le désert de l’amour ! » (André Gide). La cellule familiale, avec ses « misères œdipiennes », semble être une invention du néolithique, une réponse à la révolution de l’agriculture avec sa disette et sa hiérarchie imposées. Le modèle paléolithique est à la fois plus primitif et plus radical : le groupe. Le groupe typique de chasseurs/cueilleurs nomades ou semi-nomades est constitué de plus ou moins 50 personnes. Au sein des sociétés tribales plus grandes, la structure de groupe est assurée par les clans de la tribu, ou par des fraternités initiatiques ou des sociétés secrètes, des sociétés de chasse ou de guerre, des sociétés de genre, des « Républiques d’enfants », etc. « Si la cellule familiale est le produit du manque et aboutit à la misère, le groupe est le produit de l’abondance et aboutit à la prodigalité. » La famille est fermée, par la génétique, par la possession du mâle de la femelle et des enfants, par l’omniprésente hiérarchie de la société agraire/industrielle. Le groupe est ouvert – pas à tout le monde, bien sûr, mais selon les affinités du groupe en claviers fouriéristes, les initiés sont liés par une obligation d’amour. Le groupe n’est pas une partie d’une hiérarchie plus grande, mais plutôt une partie d’un ensemble horizontal de coutumes communes, de parentés étendues, de contrats et d’alliances, d’affinités spirituelles, etc. La société amérindienne souvent « Matrilinéaire » préserve encore aujourd’hui certains aspects de cette structure.
2- La ZAT comme festival. Stephen Pearl Andrews a proposé, comme image de la société anarchiste, le « Banquet », dans lequel toutes les structures de l’autorité se dissolvent dans la convivialité et la célébration. Ici nous pourrions également invoquer Fourier et son concept des sens et des désirs comme base du devenir social – le « tact-rut » ou sixième sens, la « gastrosophie » – et son chant de louanges aux implications négligées de l’odorat et du goût. Les antiques concepts de jubilé et de saturnales plongent leurs racines dans l’intuition que certains événements ne peuvent advenir qu’en dehors du temps profane, « le bâton d’arpenteur de l’État et de l’histoire ». Ces jours fériés occupaient littéralement des « trous » dans le calendrier – les intervalles intercalaires. Au Moyen-Âge, presque un tiers de l’année était consacré aux jours fériés. Peut-être que les émeutes contre la réforme du calendrier tiennent moins aux « onze jours perdus » qu’au sentiment que la science impériale conspirait afin de refermer ces trous dans le calendrier où les libertés du peuple avaient pu s’accumuler – un coup d’État, une cartographie de l’année, une saisie du temps lui-même, transformer le cosmos organique en un univers-horloge. C’est la mort du festival. Ceux qui participent à des insurrections font remarquer leur aspect festif, même au milieu de combats armés, du danger et du risque. L’insurrection est comme les saturnales qui auraient été lâchées ou forcées à disparaître de leur intervalle intercalaire et sont maintenant libres de surgir n’importe où, n’importe quand. Libéré du temps et du lieu, l’insurrection possède néanmoins du flair pour la maturité des événements et une affinité pour les « génius loci » ; la science de la psychotopologie indique des « flux de forces » et des « lieux de puissance » empruntés aux métaphores occultistes, qui localisent la ZAT spatio-temporellement, ou du moins aident à définir son interaction avec « le moment et le lieu magique ». Les médias nous invitent à « venir célébrer les moments de notre vie » avec la fallacieuse unification aux marchandises et au spectacle, le fameux non-événement de la pure représentation. En réponse à cette obscénité, nous avons d’un côté, l’éventail des refus (rapportés par les situationnistes, John Zerzan, Bob Black et cie) ; de l’autre, l’émergence de la culture festive éloignée et même occultée des « wannabes managers » de nos loisirs hantant le Burning Man, et des « has-beens » de la Théorie. « Battez-vous pour le droit de faire la fête » est en fait non pas une parodie de la lutte radicale, mais une nouvelle manifestation de celle-ci, adaptée à une époque qui offre la TV et les téléphones comme moyens « d’atteindre et de toucher » d’autres humains, une manière « d’être là ! ».
434- Pearl Andrews avait raison : le Banquet est déjà « une graine d’une nouvelle société prenant forme au sein de la coquille de l’ancienne ». Le rassemblement tribal de type soixante-huitard, le conclave forestier des éco-saboteurs, le Beltane idyllique des néo-païens, les conférences anarchistes, les cercles féériques gay, les scènes Ballroom… « Les rent parties » d’Harlem des années 20, les night-clubs, les banquets, les déjeuners sur l’herbe libertaires du bon vieux temps – nous devons réaliser que tout cela représente déjà des « zones libérées », du moins ce sont potentiellement des ZAT. Que la « soirée » soit ouverte seulement à certains amis, comme pour le dîner, ou à des milliers de personnes, comme les Be-in, elle est toujours « ouverte » car elle n’est pas « ordonnée » ; elle peut être planifiée, mais si elle n’est pas un happening alors elle est un échec. Comme l’ont enseigné les « Pranksters », la spontanéité est un élément crucial ! L’essence de la soirée : un face-à-face, un groupe d’humains qui mettent en synergie leurs efforts afin de réaliser des désirs mutuels, que ce soit de la bonne nourriture ou de la gaieté, de la danse, de la conversation, des arts de la vie ; peut-être même un plaisir érotique, ou créer une œuvre d’art commune, ou atteindre à une béatitude absolue, en résumé, une « union des égoïstes » comme le pense Max Stirner, dans sa forme la plus simple, ou bien, selon les termes de Kropotkine, un élan biologique vers « une aide mutuelle », « l’économie de l’excès » de Bataille et la théorie de la culture du « potlatch » de Pierre Clastres, les enclaves de chasseurs de champignons d’Anna Tsing où soudain un instant collectif peut atteindre l’Éternité.
3- Un élément vital dans le modelage de la ZAT est le concept de nomadisme psychique (ou comme nous le disons en blaguant : « du cosmopolitalisme sans racine »). Des aspects de ce phénomène ont été discutés par Deleuze et Guattari dans les concepts de « Nomadologie » et de « Machine de Guerre Nomade », par Lyotard dans « Driftworks », et par de nombreux auteurs dans le numéro « Oasis » de « Sémiotext ». Nous utilisons le terme de « nomadisme psychique » ici plutôt que celui de « nomadisme urbain », de « nomadologie », de « driftwork » (de Grande Dérive), etc. simplement afin de réunir tous ces concepts en un seul ensemble qui sera étudié à la lumière de la mise au monde de la ZAT. « La mort de Dieu et l’institution imaginaire de la société » de Cornélius Castoriadis – d’une certaine manière un décentrement du projet « européen », l’ouverture d’une vision post-idéologique multifocale, capable de se déplacer « sans racine » de la philosophie au mythe tribal, de la science naturelle au taoïsme capable de voir pour la première fois au travers d’yeux d’insectes dorés, chaque facette offrant une vision d’un monde totalement différent. Mais cette vision a été atteinte au prix de l’habitation d’une époque où la vitesse et le « fétichisme du marchand » ont créé une fausse unité tyrannique qui tend à brouiller la diversité et l’individualité culturelles, afin que par la redoutable récupération « un endroit soit aussi bon qu’un autre ». Ce paradoxe crée des « gitans », des voyageurs psychiques menés par leurs désirs ou par leur curiosité, des vagabonds à la loyauté superficielle (en fait déloyaux au projet européen qui a perdu tout son charme, toute vitalité), non rattachés à un temps ou à un lieu particulier, à la recherche de la diversité et de l’aventure… Cette description recouvre non seulement les artistes et les intellectuels de la classe X++, mais également les travailleurs migrants, les réfugiés, les « sans-abri », les touristes, la culture du mobile home, des Tiny Houses et des Rainbow Village – et aussi des personnes qui « voyagent » via le Net, mais qui peuvent ne jamais quitter leur maison (ou ceux qui comme Thoreau « ont énormément voyagé »…) et finalement elle inclut « tout le monde », vous et moi, tous ceux qui vivent au travers de leur voiture, de leurs vacances, de leur TV, livres, films, téléphones, jobs, styles de vie, religions, régimes, etc.
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