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35- Thom et Jung
350- Cette première phase de la « psychologie systémique » aboutit à la perception du contenu inconscient sous la forme d’une image qui a valeur de symbole sémio-physique, cette chose perçue en tant que totalité, ce quelque chose d’inconnaissable ou qui n’est pas encore connaissable. Ce symbole, véritable message de l’inconscient, finira peut-être par être intégré dans le conscient après toutes les phases et tous les cycles discutés en systémie. La fonction transcendante apparaît donc comme contenant un possible « troisième terme » inclus dans la complémentarité des différences et leur tension, et permettant une issue au conflit apparent des deux positions opposées, à savoir un conscient figé dans son unilatéralité et un inconscient bloqué dans son accumulation de libido. Il y a deux types généraux d’attitudes – l’extraversion et l’introversion – et quatre types fonctionnels – qui sont précisément des types pensée et sentiment, sensation et intuition. Cela nous donne en réalité huit classes de fonctionnalités différentes. Mais même si l’on n’en reste seulement qu’aux quatre fonctions, on peut légitimement les envisager comme des repères d’orientation des individus, ainsi que pourraient l’être les points cardinaux en géographie, aussi arbitraires et à la fois indispensables que ces derniers. C’est en ce sens qu’on ne voit pas a priori la nécessité d’une organisation séquentielle de ces fonctions. Il faut considérer que cette relation est plutôt d’ordre hiérarchique et reste spécifique à un individu donné. Chaque personne présente en effet un type fonctionnel dominant qu’il utilise préférentiellement et qui entraîne l’étiolement progressif des types fonctionnels restants. L’écart se creuse sans cesse, c’est ce que Waddington appelle une Chréode, « une Rythmotopie ».
351- Il n’y a ici aucune difficulté, cette phase est celle de la catastrophe de capture du contenu déjà perçu, phase rapide qui peut être exprimée par cette prise de conscience, au moins partielle. – Par partielle, on entend que ce contenu peut être plus ou moins « assimilé chez le pensif », « vécu chez le sentimental », « constaté chez le sensitif » et « révélé chez l’intuitif ». S’il y a des cycles, plusieurs d’entre eux seraient sans doute nécessaires avant cette prise de conscience, et l’on rejoindrait alors ce que l’on sait sur l’apprentissage. – On comprend aussi que cette émotion puisse être l’une des causes de l’état momentanément réfractaire à toute autre possibilité de pouvoir accéder à un nouveau contenu inconscient. Mais qu’en est-il des types sensation et intuition ? N’ont-ils pas de choix possibles, pas de jugement à émettre ? – Non, ils sont de ce point de vue, en quelque sorte à distance de tout jugement. L’un constate les impressions que cela procure, l’autre entrevoit ce qui s’élabore. – Sont-ils inactifs ? – Non, ils sont, je vous le rappelle, simplement relâchés pour l’instant, mais ils vont réagir à la phase suivante que l’on a désignée d’investissement. Là encore, cet investissement varie selon les types fonctionnels. Pour les fonctions pensée et sentiment, cela peut être le début d’une intégration du contenu devenu conscient, « raisonnablement » acceptée pour le type pensée, et « sacrificiellement » vécue pour le type sentiment.
352- Ces deux démarches résultent d’un choix volontaire, essence de la motivation, mais les risques en sont une certaine inflation du moi ou le réveil d’un complexe dominant. Si j’en reviens au contexte psychique, je retiens que certaines variables types correspondent à l’évolution de la différenciation des attracteurs conscient et inconscient personnel. Elles représentent donc dans le modèle de Zeeman essentiellement le développement de la personnalité. Dans ce modèle de Zeeman il me semble que la variable (u) constitue en fait un frein, une sorte de résistance à la structuration de la psyché puisque, d’une part, nous lui avons toujours ajouté un signe négatif lorsqu’il s’agissait de structuration et positif dans le cas de réversion, d’autre part, elle est sans cesse dirigée vers la région du « régime stable », où les attracteurs n’existent pas encore. En fait, cette variable (u) correspond vraisemblablement au retour spontané vers l’inconscient collectif. En effet, lorsque la communication entre l’inconscient personnel et le conscient n’est plus possible, nous avons vu que l’inconscient collectif se manifestait et arrivait à débloquer cette situation en proposant des symboles très archaïques, tirés du patrimoine phylogénétique. On peut voir, finalement, (u) comme étant la variable de la régression et (w) comme celle de la progression, au sens « structuration » du terme. Cela signifie que les deux processus régression et progression ne sont pas l’inverse l’un de l’autre, mais alternatifs et différents, étant paramétrés par deux facteurs de natures elles-mêmes différentes.
353- Cela est très probablement à rapprocher du point de vue de Pierre Solié, disciple de Jung, qui a écrit en parlant du sacrifice (dont le rôle selon lui est de « rendre sacré » les éléments pulsionnels de l’ombre et qui possède une dimension universelle cosmique, collective, sociale et individuelle), qu’il faudra renouveler périodiquement par l’acte sacrificiel de régénération « néguentropique » (renouvellement de rites ou échange d’objets symboliques). Pour bien comprendre l’efficience du modèle de Zeeman, il faut considérer le paramètre (u) comme une ombre correspondant aux aspects de notre personnalité que le conscient rejette ou tout du moins n’accepte pas en premier lieu. Cet archétype n’apparaît de ce fait qu’avec la différenciation de la conscience, c’est-à-dire avec l’avènement du moi, entité dont elle constitue la polarité antagoniste. Vécue la plupart du temps comme négative, elle peut cependant, lorsqu’elle est activée par un phénomène de compensation du moi, jouer un rôle positif en permettant à l’individu d’entrevoir un véritable « potentiel » (le symptôme est moteur de créativité). Mais les fonctions psychiques ont besoin d’être répétées pour être efficaces. Un contenu inconscient ne peut se conscientiser que lentement. Ce n’est pas une question de compréhension, mais d’acceptation progressive. Il faut enfin, après cette acceptation, vivre avec, ce qui peut encore demander plus de temps. La fonction transcendante nécessite encore plus de sacrifices, il s’agit véritablement de renaître dans la souffrance. L’expression « ombre du moi » a été développée par Pierre Solié. La variable ou paramètre (u) évolue en sens inverse du facteur de séparation (w) de Zeeman. Elle est donc notée primitivement (-u). Pour le paramètre (v), il s’agit de la vitesse de propagation des processus vitaux : Gap réactif, vitesse des métabolismes, accumulation des tensions pulsionnelles vers le seuil de déclenchement. En ce qui concerne le paramètre (w), c’est un processus de différenciation : la singularité comme argument différenciant, activant des processus mutagènes internes, puis externes. Sur le plan de la topologie, nous avons paramétré le processus de régression par la variable (u) à laquelle nous avons attribué une signification entropique, et le processus de progression du moi à la variable (w), tout cela dans le cadre du modèle de la queue d’aronde et, partant du développement du moi. Il semble que dans le cadre plus général du soi, donc de l’ombilic parabolique, l’extension vers le « sacré » collectif relève de la variable t, (le temps) tandis que le retour aux éléments pulsionnels personnels relève de la variable (w). Ce retour ne signifie pas, là encore, un retour au moi individualisé, mais rend compte plutôt d’une tendance inflationniste d’une personnalité individualiste qui s’approprie les éléments collectifs. La véritable variable qui s’oppose à (u) est (t) et non (w). C’est en effet cette variable qui donne la direction de l’évolution psychique, qui ouvre à la complexité (ou ce que Solié appelle « néguentropie »), c’est-à-dire in fine le « Soi ». Pour Jung, en effet, devenir conscient signifie devenir entier, c’est-à-dire capable de vivre en pleine harmonie avec la Nature. Il faut pour cela commencer à vivre cette harmonie avec son environnement relationnel, la condition étant de posséder un moi suffisamment fort.
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