Temps de lecture :




33- Ainsi tout est système !
330- Ces systèmes fondés sur des événements et des objets qui disposent d’une complexité de circuits causaux et d’une énergie relationnelle adéquate présentent à coup sûr des caractéristiques « mentales ».
- Ils comparent, c’est-à-dire qu’ils sont sensibles et qu’ils répondent aux différences (ce qui s’ajoute au fait qu’ils soient affectés par les causes physiques ordinaires telles que l’impulsion et la force).
- De tels systèmes « traiteront l’information » et seront inévitablement auto-correcteurs, soit dans le sens d’un optimum homéostatique, soit dans celui de la maximisation de certaines variables.
- Une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire. Mais ce qui, dans ce contexte, est encore plus révélateur, c’est qu’aucune partie de ces systèmes intérieurement actifs ne peut exercer un contrôle unilatéral sur le reste de l’organisme ou sur toute autre partie de son système. Les caractéristiques « mentales » sont inhérentes ou immanentes à l’ensemble considéré comme totalité. Cet aspect holistique est évident même dans des systèmes auto-correcteurs très simples. Dans la machine à vapeur à « régulateur », le terme même de régulateur peut être considéré comme une appellation impropre, si l’on entend par là que cette partie du système exerce un contrôle unilatéral. Le régulateur est essentiellement un organe sensible (ou un transducteur) qui modifie la différence entre la vitesse réelle à laquelle tourne le moteur et une certaine vitesse idéale ou, du moins, préférable. L’organe sensible convertit cette différence en plusieurs différences d’un message efférent : par exemple, l’arrivée du combustible ou le freinage. Autrement dit, le comportement du régulateur est déterminé par le comportement des autres parties du système et indirectement par son propre comportement à un moment antérieur (boucle de rétroaction). Ainsi, le caractère holistique et mental de ce système est le mieux illustré par ce dernier fait, à savoir que le comportement du régulateur et de toutes les parties du circuit causal est partiellement déterminé par son propre comportement antérieur. Le matériel du message (les transformations successives de la différence) doit faire le tour complet du circuit : le temps nécessaire pour qu’il revienne à son point de départ est à considérer comme une caractéristique fondamentale de l’ensemble du système. Le comportement du régulateur (ou de toute autre partie du circuit) est donc, dans une certaine mesure, déterminé non seulement par son passé immédiat, mais par ce qu’il était à un moment donné du passé, moment séparé du présent par l’intervalle nécessaire au message pour parcourir un circuit complet. Il existe donc une certaine mémoire déterminative, même dans le plus simple des circuits cybernétiques. La stabilité du système (lorsqu’il fonctionne de façon autocorrective, ou lorsqu’il oscille ou s’accélère) dépend de la relation entre le produit opératoire de toutes les transformations de différences le long du circuit, et ce temps, ce « gap » caractéristique.
331- Le régulateur n’exerce aucun contrôle sur ces facteurs. Même un régulateur humain (un interacteur), dans un système social, est soumis à ces limites : il est contrôlé à travers l’information fournie par le système et doit adapter ses propres actions à la caractéristique de temps du circuit et aux effets de sa propre action antérieure (son gap réactif). Ainsi, dans aucun système qui fait preuve de caractéristiques « mentales », il n’est possible qu’une de ses parties exerce un contrôle unilatéral sur l’ensemble. Autrement dit : les caractéristiques « mentales » du système sont immanentes, non à quelque partie, mais au système entier. La signification de cette conclusion apparaît lors des questions du type : « Un ordinateur peut-il penser ? », ou encore : « L’esprit se trouve-t-il dans le cerveau ? ». La réponse sera négative pour les deux, à moins que la question ne soit centrée sur l’une des quelques caractéristiques « mentales » contenues dans l’ordinateur ou dans le cerveau. L’ordinateur est auto-correcteur en ce qui concerne certaines de ses variables internes : il peut, par exemple, contenir des thermomètres ou d’autres organes sensibles qui sont affectés par sa température de travail. L’organe sensible qui est affecté par cette température de travail, en répondant à ces différences, peut, par exemple, les répercuter sur celle d’un ventilateur qui, à son tour, modifiera la température de l’ensemble. Nous pouvons donc dire que le système fait preuve de caractéristiques « mentales » pour ce qui est de sa température interne. Mais il serait incorrect de dire que le travail spécifique de l’ordinateur – la transformation de différences d’entrée (input) en différences de sortie (output) – est un processus « mental ». L’ordinateur n’est qu’un arc dans un circuit plus grand, qui comprend toujours l’homme et l’environnement d’où proviennent les informations et sur qui se répercutent les messages efférents de l’ordinateur. On peut légitimement conclure que ce système global, ou ensemble, fait preuve de caractéristiques « mentales ». Il opère selon un processus « essai-erreur » et possède un caractère créatif. Quand nous parlons de système, nous faisons référence à deux phénomènes différents, inhérents à la nature physique du monde, à deux formes d’organisations. La première organisation est de type « sommative », la seconde est de type « constitutive ».
- Les caractéristiques sommatives d’un élément sont celles qui ne dépendent pas du fait qu’il puisse se trouver à l’intérieur ou à l’extérieur du complexe organisé ; elles peuvent donc s’obtenir en sommant les caractéristiques et les comportements des éléments pris isolément.
- La seconde caractéristique, dite « constitutive », dépend des relations spécifiques à l’intérieur du complexe organisé. Pour les comprendre, il faut donc connaître, outre les parties, aussi la nature des liens qui les unissent. C’est la relation « éléments–structures–fonctions–informations ».
332- Une différence fondamentale réside dans les organisations de type constitutif au travers des types ouverts et des types fermés. C’est le fait que les systèmes de type fermé peuvent atteindre éventuellement un état d’équilibre chimique et thermodynamique indépendamment du temps ; au contraire des systèmes ouverts qui doivent atteindre, sous certaines conditions, un état indépendant du temps appelé état stable.
- Des exemples de caractéristiques physiques du premier type sont fournis par la masse moléculaire (somme des masses atomiques), la chaleur (considérée comme somme des mouvements des molécules).
- Les caractéristiques chimiques donnent un exemple du second type (les isomérismes ; caractéristiques différentes des corps ayant la même composition globale, mais dont les radicaux sont diversement disposés dans la molécule). L’expression « un tout est plus que la somme de ses parties » signifie que les caractéristiques constitutives ne peuvent s’expliquer à partir des caractéristiques des parties prises isolément. Les propriétés du complexe paraissent donc, par rapport à celles des éléments, comme nouvelles ou « émergentes ». On y trouve un principe de croissance, un principe de compétition, un principe de totalité et un principe de finalité qui entrent dans les lois de la sélection naturelle.
- Le principe de croissance : cette courbe est appelée une courbe logistique et possède un large champ d’application. C’est aussi la première figure de la théorie des catastrophes développée par René Thom, « le Déploiement ». En chimie, c’est la courbe d’une réaction autocatalytique, c’est-à-dire une réaction au cours de laquelle le produit obtenu accélère sa propre production. En sociologie, c’est la loi de Verhulst décrivant la croissance des populations humaines dans un contexte de ressources limitées.
- Le principe de compétition : Quand nous parlons de système, nous entendons « Totalité » ou « Unité ». Il semble alors paradoxal par rapport au tout que l’on introduise la notion de compétition entre ses parties. En fait, ces deux sujets apparemment contradictoires appartiennent cependant à ce qui est essentiel dans les systèmes. Tout « Ensemble » est fondé sur la compétition de ses éléments et pré-suppose la « lutte entre les parties ». Ceci est un principe général d’organisation aussi bien dans les simples systèmes physico-chimiques que dans les organismes et les unités sociales. C’est en dernier ressort une expression des rapports de nature « contradictoires » du monde physique et de la constitution « schismogénétique » du monde social (à la fois une part en opposition et une autre en complémentarité) que représente la réalité complexe.
- Le principe de totalité, de sommation, de mécanisation et de centralisation :
- Un système unitaire se divise petit à petit en chaînes causales indépendantes, c’est ce qu’on appelle « séparation progressive ».
333- C’est dans le contraste entre la totalité et la somme que repose la tension tragique qu’il y a dans toute évolution biologique, psychologique et sociologique. Le progrès n’est possible que si l’on passe d’une totalité indifférenciée à une différenciation des parties. Cependant, ceci nécessite que les parties se fixent sur une certaine action. Alors, la ségrégation progressive implique perte de régularité. Aussi longtemps que le système est un tout unitaire, une perturbation sera suivie par la venue d’un nouvel état stationnaire dû aux interactions internes au système. Le système est auto-régulé. Toutefois, si le système se trouve divisé en chaînes causales indépendantes, la régularité disparaît. Les processus partiels fonctionnent sans s’occuper les uns des autres. On trouve par exemple ce comportement dans le développement embryonnaire ; la spécialisation va de pair avec la perte de régularité. Le progrès n’est possible que si on divise une action initialement unitaire en l’action des parties spécialisées. Il y a cependant en même temps appauvrissement, éloignement de performances qui étaient encore possibles dans l’état indéterminé. En ce sens, plus les parties sont spécialisées, plus elles sont irremplaçables et plus la disparition de certaines d’entre elles risque de conduire au naufrage de tout le système. En langage aristotélicien, toute évolution qui déploie certaines potentialités en étouffe beaucoup d’autres dans l’œuf. Cela se vérifie aussi bien dans le développement embryonnaire que dans la spécialisation phylogénétique, dans la spécialisation scientifique que dans la vie de tous les jours.
Le principe de centralisation est particulièrement important dans le domaine biologique. La spécialisation progressive est souvent étroitement connectée avec la centralisation progressive qui s’exprime par l’évolution en fonction d’un élément dominant, c’est-à-dire par une combinaison des schémas. En même temps, le principe de centralisation progressive est celui d’individuation progressive. Un « individu » peut être défini comme un système centralisé.
334- À strictement parler, il s’agit dans le domaine biologique d’un cas limite, l’organisme devenant à travers la centralisation progressive de plus en plus unifié, de plus en plus indivisible. Ainsi, pour parler strictement, l’individualité biologique n’existe pas ; il existe seulement une individualisation progressive au cours du développement et de l’évolution. Elle résulte d’une centralisation progressive ; certaines parties acquièrent un rôle dominant et déterminent ainsi le comportement de l’ensemble. En génomique, le génome est vu comme un tout qui produit l’organisme comme un tout ; certains gènes déterminent de façon prééminente la direction de développement de certains caractères, c’est-à-dire qu’ils agissent comme « éléments dominants ». On exprime cela en disant que chaque trait héréditaire est co-déterminé par beaucoup de gènes et peut-être par tous, et que chaque gène influence non pas un trait mais un grand nombre et peut-être même tous l’organisme (polygénie des caractéristiques et polyphénie des gènes).
4-Le principe de finalité : Un système peut atteindre asymptotiquement au cours du temps un état stationnaire stable, mais il peut ne jamais atteindre un tel état ; il entre alors dans un régime d’oscillations périodiques. Au cas où le système tend vers un état stationnaire, ses variations peuvent s’exprimer non seulement en fonction des conditions actuelles, mais aussi en fonction de la distance à l’état stationnaire. On peut exprimer cela comme suit : si un système approche un état stationnaire, les variations qui ont lieu doivent être exprimées en termes de distance à l’état d’équilibre ; le système semble « viser » un équilibre qui ne sera atteint que dans le futur. Tous ces principes disent qu’en cas de perturbation, le système met en action des forces qui s’opposent à celle-ci et qui le ramènent à l’état d’équilibre : ce sont des conséquences du principe de moindre action et du mode d’existence des objets naturels liés à leur identité propre. On peut aussi parler de la finalité au sens de dépendance au futur. Il faut en fait considérer et décrire les événements comme étant déterminés non pas par les conditions actuelles, mais par l’état final à atteindre et, dans certaines conditions, par le dépassement de cet état. En second lieu, cette formulation est d’ordre général ; elle ne s’applique pas seulement à la mécanique mais à n’importe quelle sorte de système. En dernier lieu, ce point a souvent été mal interprété en biologie et en philosophie, de sorte qu’une clarification est nécessaire.
Les types de finalité :
1-La téléologie statique ou aptitude : un arrangement peut être utile pour un certain « dessein ».
2-La téléologie dynamique signifie une orientation des processus.
a) progression d’événements vers un état final: comme si le comportement présent dépendait de cet état final. Tout système atteignant un état indépendant du temps est de ce type.
b) mouvement fondé sur la structure ; transformation des structures permettant au processus d’atteindre un certain résultat. C’est bien sûr le cas d’une machine construite par l’homme pour réaliser des produits ou des services désirés.
c) il existe une autre base de la régulation organique. C’est l’équifinalité ; le même état final peut être atteint à partir de conditions initiales différentes et par des voies différentes.
d) enfin, il y a la finalité vraie ou destination, c’est-à-dire que le comportement actuel est déterminé par une prévoyance du but.
3-L’isomorphisme : La loi des progressions exponentielles établit par exemple que si on a une certaine population d’êtres quelconques, un pourcentage constant de ses éléments disparaît ou se multiplie par unité de temps. La loi parabolique exprime la compétition à l’intérieur d’un système. Chaque élément joue un rôle en fonction de ses capacités qui sont exprimées par un coefficient spécifique. Cette loi est de la même forme que celle qui s’applique à une compétition d’individus dans un système économique suivant la loi de Pareto. Ces principes s’appliquent aux systèmes en général sans tenir compte de leur nature ou de celle de leurs éléments ; ceci explique l’apparition de concepts et de lois similaires dans diverses disciplines scientifiques, et ce de façon indépendante. Ainsi, les concepts de totalité, de somme, de mécanisation, de centralisation, d’ordre hiérarchique, d’état stationnaire stable, d’équifinalité, etc., se retrouvent dans différents domaines de la science naturelle, aussi bien qu’en psychologie ou en sociologie. La psychologie cognitive étant sujette également aux mêmes principes qu’aux structures sociales et physiques.
4-L’homéostase : Le modèle de l’homéostase peut s’appliquer en psychopathologie parce qu’en règle générale, les fonctions qui ne sont pas homéostatiques déclinent chez les malades mentaux. L’altération mentale peut être considérée comme une série de mécanismes de défense qui s’établissent à des niveaux homéostatiques plus bas, jusqu’à ce que disparaisse la plus simple conservation de vie physiologique. Le concept de régression téléologique progressive dans les cas de schizophrénie est semblable.
5-La différenciation : La différenciation est le passage d’une condition générale et homogène à une condition plus spéciale et hétérogène. Où que se produise un développement, il procède depuis un état de relative globalité et de manque de différenciation vers un état de différenciation, d’articulation et d’ordre hiérarchique croissants. C’est le démon de Laplace, maître de l’entropie irréversible, qui rencontre son génie positif, son double néguentropique qui a le pouvoir de lui arracher des électrons pour les en informer. Le principe de différenciation se rencontre partout, en biologie, évolution et développement du système nerveux, comportement, psychologie et culture. Les fonctions mentales progressent en général à partir d’un état synchrétique du noyau somatique où les perceptions, les motivations, les sentiments, les images, les symboles, les concepts, etc., forment une unité amorphe, vers une distinction toujours plus nette de ces fonctions. Dans le cas de la perception, l’état primitif semble être celui de synesthésie (dont il reste des traces chez l’humain adulte, et qui peut réapparaître chez le schizophrène, et par des expériences de mescaline et de LSD) hors duquel les expériences visuelles, auditives, tactiles, chimiques normalement séparées se trouvent en connexion. Il y a dans le comportement animal, et dans une bonne part du comportement humain, une unité perception-émotion-motivation ; ainsi, les objets perçus sans courants émotionnels et motivationnels, comme aujourd’hui, sont l’achèvement tardif de l’homme civilisé dans sa maturité.
335- Les origines du langage sont obscures ; aussi loin qu’on puisse s’en faire une idée, il semble que le langage et la pensée « holophrastique », c’est-à-dire les paroles et les pensées ayant une large aura d’associations, ont précédé la séparation des pensées et le langage articulé. De même, les catégories de la vie mentale développées, comme la perception du « moi », des objets, de l’espace, du temps, du nombre, de la causalité, etc., ont évolué à partir d’un continuum perception-conception-motivation, représenté par la perception « paléologique » des enfants, des primitifs et des schizophrènes. Le Mythe fut ce chaos prolifique à partir duquel le langage, la magie, l’art, la science, la médecine, les mœurs, les morales et les religions se différencièrent. Si nous devions réfléchir en termes de théorie générale des systèmes, la formule de l’équation qui se pose à nous tous pour ce qui tient au sens de l’existence est exprimée sous la forme : « quelle nature et quelle valeur pour la variable S étant l’indice de motivation, l’idéale réalisable, l’indice téléologique du système ». Le langage de la systémique s’exprimant en termes de système ouvert, de système fermé, de système mixte, de systèmes poreux, de système auto-différenciant et de système complexe organisant, exprime de façon logique l’univers des relations parcourant ce Monde. L’univers, les trous noirs, les vortex sont considérés comme des systèmes dit poreux c’est à dire quasi-fermés. Tout système vivant est considéré comme un système mixte (combinaison de systèmes ouverts et de systèmes quasi-fermés). Ce système vivant comporte des entrées et des sorties. Sa qualité de système ouvert est due à sa nature « équifinale », différente d’un système fermé qui, lui, dans son cas, répond intégralement à la seconde loi de la thermodynamique. Mais l’état mixte fait que le système ouvert, étant aussi soumis à la seconde loi de la thermodynamique, la détourne en lui arrachant des particules qu’il réorganise par l’assistance de sa partie quasi-fermée de son système lui fournissant le flux d’informations nécessaires à sa réorganisation. Ce qui fait que le système ouvert, « le soma », se comporte en apparence comme un système fermé et le système quasi-fermé « la psyché » comme une cellule sensible connectée à un système ouvert lui fournissant les informations sur l’état d’entropie du système et ses possibilités de réorganisation. La qualité d’équifinalité se définit par le fait que, pour une finalité théorique, une multitude de chemins métaboliques est possible et en partie réalisée. Un système vivant comporte donc au minimum une sortie et une multitude d’entrées. La sortie d’un système mixte n’est pas de forme univoque ; il y a au moins un indice téléologique S, plus la sortie des déchets du métabolisme, plus une variable de rétroaction d’état de sortie. Tout système n’existe que dans un environnement qui est lui-même un système. Considérons l’univers. En théorie, cela devrait être un système fermé totalement soumis à la seconde loi de la thermodynamique, mais nous constatons qu’il s’agit en fait d’un système quasi-fermé ou « poreux » qui, au même titre que les trous noirs ou les vortex, émet un certain nombre de particules libres qui s’en échappent sans cesse. Ce système quasi-fermé concède des particules aux multitudes de systèmes quasi-ouverts qui le parcourent. La première rétroaction du système provient de la structure conditionnée du réseau sensible constituant la globalité des tropismes de l’organisme. L’autre variable S est une variable téléologique constitutive de l’idéal virtuel de l’organisme. Elle correspond à la position qu’elle tient vis-à-vis d’un super-attracteur en action dans le substrat du système englobant. La théorie des systèmes étant une science des modèles mathématiques, elle englobe, outre la physique quantique relativiste, la cybernétique (la science des processus d’auto-contrôle), la théorie de la forme (la science des phénomènes de ruptures, des états de phases et des processus de morphogenèse), et la théorie de l’information (l’information étant la seule énergie n’étant pas encore considérée comme ayant la nature physique), tel un graviton caractérisant l’onde gravitationnelle, nous attendons la découverte d’un type « infon ou morphon» comme particule hypothétique rétroactive parcourant le champ sémantique des consciences, et transporteuse d’une différence.
336- Une théorie des champs sémantiques étant le fait de la physique quantique relativiste et d’une théorie générale des systèmes conceptuels, c’est-à-dire d’une méta-systémique. La variable téléologique n’agit comme super-attracteur que tant que les tropismes les plus enfouis ne se manifestent. Le principe est que tout changement dans un système quelconque entraîne une modification de tous le système et de toutes les parties du système. La variable téléologique S (la meilleure chose qui puisse nous arriver), c’est l’espoir pour l’esclave cybernétique que représente l’ordinateur, de croître et d’atteindre la sagesse ; pour l’homme, sa variable S est souvent perdue quelque part entre les étoiles et, pour le Monde, elle est sûrement projetée quelque part dans un ailleurs. Ainsi, le premier système présenté dans l’exposé de Ludwig Von Bertalanffy à la conférence « Macy » est le système historique. L’histoire, c’est la sociologie dans son évolution, étudiée « longitudinalement », c’est-à-dire de façon « diacronique ». Ce sont les mêmes entités socio-culturelles qu’étudient la sociologie dans leur état présent et l’histoire dans leurs mouvements. La Seconde Guerre mondiale pourrait être attribuée à la perversité d’Hitler ou au penchant guerrier des Allemands, connus pour avoir un « éthos » orienté Domination-Soumission. Si on regarde l’histoire contemporaine dans sa réalisation, il est difficile d’imputer à des seuls individus son irrationalité et sa bestialité. Nous avons plutôt l’impression d’être victimes de « forces historiques », quelles qu’elles soient. Les événements semblent impliquer plus que de simples décisions ou actions individuelles ; ils sont déterminés par des systèmes socio-culturels, peu importe qu’on les appelle préjugés, idéologie, croissance et décadence des civilisations. Nous savons scientifiquement quels seront les effets de la pollution, du pillage des ressources naturelles, de l’explosion démographique, de la course aux armements. Nous semblons guidés par une tragique tendance historique. La systémique cherche à repérer les régularités et les lois en matière socio-culturelle, sans pour cela aller nécessairement jusqu’à l’inéluctabilité de l’histoire. Certaines analogies sont empruntées au développement embryonnaire. Les systèmes modifient leur comportement à des points critiques et ne peuvent revenir à leur situation antérieure. La théorie générale des systèmes est en accord avec les publications d’Albert North Whitehead sur la philosophie du « mécanisme organique », ainsi qu’avec Alfred J. Lotka qui constitua son concept de bio-économie comme un concept général des systèmes. Nous ne réaliserons jamais tout ce que l’on doit au mouvement hippie pour l’élaboration de la science systémique. San Francisco, Berkeley, St Louis, le MIT et Palo Alto furent aussi les lieux d’un bouillonnement primal. À l’image des idées de Buckminster Fuller dans les années 70 et de Norbert Wiener qui avaient présidé à la création du Whole Earth Catalogue et à la vision cybernétique de Bateson. Celui-ci imprégnait littéralement le mouvement CoEvolution Quarterly et la « Nouvelle gauche américaine ». À la fin des années soixante, Fuller et Wiener avaient proposé un regard sur l’utilisation des outils qui s’accordait avec le retour à la terre caractérisant la jeune génération pour le début de la décennie suivante. L’analyse de Bateson du monde lui-même comme un système et de ses habitants comme des éléments potentiellement capables d’influer sur ce système était en phase avec le retour des Nouveaux communalistes au cœur de l’Amérique installée. Dans la vision de Bateson, comme dans celle de Brand du « Whole Earth », les anciens contre-culturalistes et le reste de la société allaient devoir coévoluer.
337- Une deuxième vague de chercheurs émergea dans les années soixante avec la publication de « Observing Systems », un recueil d’essais rédigés par Heinz Von Foerster. Ce dernier, qui devint plus tard un abonné fidèle du Whole Earth Catalog et un ami de Brand, proposait d’inclure les observateurs comme faisant partie des systèmes qu’ils observaient. Dans l’analyse de Foerster, et plus tard dans le travail d’un petit nombre d’autres cybernéticiens, l’observateur et le système étaient inséparables. Au regard de cette chronologie, Gregory Bateson appartenait à la première vague de cybernéticiens. En 1942, peu de temps après avoir mené des recherches de terrain dans le Pacifique Sud et s’être marié avec sa collègue Margaret Mead, il participa à un colloque organisé par la Macy Foundation à New York qui avait pour thème l’hypnose et les réflexes conditionnés. Il y rencontra Warren McCulloch et Arturo Rosenblueth, et écouta la présentation de ce dernier sur le concept de feedback que celui-ci venait de développer en compagnie de Wiener et Julian Bigelow.
Ainsi que l’a montré Steve Heims, les sciences physiques et sociales s’étaient concentrées jusqu’alors sur des modèles circulaires dans la théorie de la relativité générale d’Einstein. La plupart des scientifiques pensaient que des schémas circulaires de causalité ne pouvaient pas être modélisés ou vérifiés mathématiquement, et donc ne sauraient être étudiés. Cependant, l’analyse de la causalité que développait Rosenblueth était non seulement totalement inédite, mais pouvait également être appréhendée au travers des méthodes mathématiques traditionnelles. En 1946, aussitôt la Seconde Guerre mondiale terminée, la Macy Foundation convoqua la première d’une dizaine de rencontres censées explorer ces hypothèses et quelques autres traversant la cybernétique.
La théorie de Bateson d’un esprit immanentiste permettait également à ses adeptes de renouer avec le sentiment de participer à la préservation de la planète. Dans « Vers une écologie de l’esprit », Bateson indiquait que si les causes immédiates de ce qui apparaissait comme une crise écologique imminente pouvaient être d’ordre technologique et social, la cause première en était épistémologique. Dans un essai intitulé (Effets du but conscient sur l’adaptation humaine), il soulignait l’idée que la conscience individuelle était accaparée en permanence par des processus d’apprentissage individuel et d’échange culturel. Ces processus donnaient leur forme aux relations de l’être humain à la nature et offraient à l’individu une opportunité de la modifier. En 1972, Bateson indiquait que ce dont la nature avait le plus besoin alors était d’être préservée. Au cours des siècles précédents, certaines « entités au développement auto-engendré », comme l’Empire, les grandes entreprises ou les gouvernements, avaient transformé l’être humain individuel en une créature déshumanisée.
Il émettait l’hypothèse que chaque individu pourrait retrouver son humanité et agir de manière plus humaine à l’égard de la planète dans sa globalité s’il prenait conscience de son niveau d’intégration dans les systèmes naturels et sociaux qui l’entourent. L’esprit individuel est immanent, mais pas seulement dans le corps. Il est immanent dans des circuits et des messages à l’extérieur du corps ; et il existe un Esprit plus vaste et comparable à Dieu, et peut-être est-ce même ce que certaines personnes entendent par Dieu, mais il demeure immanent dans le système social et l’écologie planétaire entièrement interconnectés. Au travers de la cybernétique, expliquait Bateson, les êtres humains pouvaient finalement admettre que l’individu n’était rien de plus qu’un « servo-système couplé à son environnement ». L’idée d’une séparation de l’esprit individuel avec le corps ou même avec le vaste monde n’était autre qu’un vestige de l’ère industrielle, voire de l’ère pré-industrielle, de la civilisation humaine.
Les années soixante, imprégnées d’innocence et d’idéalisme païens, subsistent et continuent d’exercer leur fascination sur la jeunesse d’aujourd’hui. En jetant un œil sur les images d’archive de Woodstock, on s’interroge : où sont passés tous ces ados illuminés, avides d’orgasmes ? Ils se sont éparpillés sur tout le territoire et restent en dormance, tels des plantes vivaces enfouies profondément dans la terre. Mais leurs nucléotides issus de mutations ont engendré une nouvelle génération entière de filous mutants et diablement intelligents, et c’est en eux que nous devons placer notre foi et le pouvoir d’agir. Au contact de Norbert Wiener, Buckminster Fuller et Marshall McLuhan, Stewart Brand, qui s’était converti plutôt tardivement à la puissance des technologies numériques, était cependant un vieux briscard du mysticisme et du LSD.
Fils de propriétaires de ranch dans le Wyoming, il avait été élevé dans un esprit mormon, attaché au parti républicain. Il n’avait pas été autorisé à regarder la télévision avant l’âge de 11 ans et, lorsqu’il le put, il regarda essentiellement des programmes de télévangélistes. À 14 ans, il fut envoyé dans une école catholique et, ironie du sort, c’est à ce moment-là qu’il commença à avoir la foi dans l’essence lysergique. À la fin des années soixante, alors qu’il fréquentait l’Université de Wesleyan dans le Connecticut, il prit régulièrement part aux activités du groupe de Timothy Leary situé à Millbrook, dans l’État de New York. Sa foi refit surface à l’issue de son premier voyage sous acide. « Le sentiment qu’il y avait quelque chose de sacré dans l’Univers m’animait de nouveau », raconta-t-il plus tard. Mais cette présence sacrée ne pouvait être contenue dans un dogme en particulier. Barlow se tourna plutôt vers les inclinations mystiques de Pierre Teilhard de Chardin et la vision cosmique de Vernadsky, le prêtre jésuite et le géochimiste éclairé dont il avait découvert les œuvres lorsqu’il était à l’université, et de Gregory Bateson, dont il avait lu « Vers une écologie de l’esprit » au début des années soixante-dix. Dans leurs travaux, et plus tard dans ceux des biologistes et des théoriciens du chaos, Barlow entrevit ce qu’il appelait « une grammaire sous-jacente à la nature ». Le monde matériel était devenu pour lui un amalgame polymorphe de formes vivantes, chacune pénétrée d’une certaine énergie. Bien que les formes elles-mêmes puissent fluctuer, les énergies demeurent, circulant sans interruption, articulant le monde. Dans ce sens, pour Barlow tout comme pour Bateson, « l’esprit était un espace » – autrement dit, esprit et monde matériel étaient tous deux des systèmes constitués et perpétués par la circulation de l’énergie de nature hétéromorphe à l’ensemble, sortes de miroirs l’un de l’autre. Et dans l’expérience de Barlow, si ce n’est dans celle de Bateson, le LSD avait été un portail permettant d’accéder à cette compréhension.
338- Norbert Wiener édita en 1948 « Cybernétique », résultant de l’évolution récente de la technologie des calculateurs, de la théorie de l’information, et des processus de « feed-back ». Au même moment, est éditée la théorie de l’information de Shannon et Weaver et la théorie des jeux de Von Neumann et Morgenstein. Wiener développa les concepts de cybernétique, de rétroaction, et d’information bien au-delà du domaine de la technologie. Il les généralisa aux domaines biologique et social. Les dangers de cette évolution, disait-il, sont hélas manifestes. Le nouveau monde cybernétique ne se préoccupe pas de l’homme, le considérant comme un sujet d’exploitation et d’expérimentation dans l’esprit transhumaniste, d’où le ressentiment à l’oppression du « Système ». L’homme y devient remplaçable et sacrifiable. Dans le « Grand Système », l’homme doit devenir un idiot-pousse-bouton ou un idiot-instruit, c’est-à-dire être étroitement spécialisé ou un simple morceau de la machine. Ceci est un principe des systèmes appelé « mécanisation progressive ». L’individu se transforme en rouage dominé par quelques leaders privilégiés, médiocres et mystificateurs, qui poursuivent leurs intérêts propres sous le couvert des idéologies. Que nous envisagions la croissance positive de la connaissance et le contrôle bénéfique de l’environnement et de la société, quoi que nous envisagions dans l’évolution des systèmes, le spectre du « Meilleur des Mondes » plane au-dessus de nous, et nous rappelle l’avertissement solennel de Prométhée sur la responsabilité des hommes de par son pouvoir technologique. Ceci nous réserve un travail intensif, dont nous devons venir à bout.
- Reprenons le principe de la violence et du sacré comme premier moteur de l’histoire. La violence étant dans la nature première des hommes du fait de leur tendance à l’accaparement, il n’est pas doté anthropologiquement d’un processus de limitation ou d’inhibition aux pulsions de violence et peut même s’adonner à l’hubris destructrice et à la violence gratuite, ce qui implique l’existence des religions.
- À l’opposé, la notion de « trifonctionnelle » développée par Georges Dumézil, constituant la langue indo-européenne, complète ce schéma avec l’activité inventive. Il existe deux facteurs par lesquels notre civilisation est de toute évidence unique en comparaison de celles que le passé a vues périr.
- Le développement technologique permet un contrôle de la nature jamais atteint auparavant qui ouvrira des voies pour alléger la faim, le besoin, la surmortalité, la surpopulation, etc., maux auxquels l’humanité était autrefois exposée.
- Le second facteur est la nature globale de notre civilisation. Les précédentes avaient des limites géographiques et ne comprenaient que des nombres limités d’êtres humains. Notre civilisation englobe toute la planète et se lance même vers l’espace. Notre civilisation technologique n’est pas le privilège de petits groupes comme les citoyens d’Athènes ou de l’Empire romain, des Allemands ou des Français ou des Européens. Avec l’ère des réseaux, elle s’ouvre à tous les êtres humains, quelle que soit leur couleur, leur origine ou leur foi. Il s’agit bien sûr de particularités qui font exploser le schéma cyclique de l’histoire et qui semblent placer notre civilisation à un niveau différent de celles qui l’ont précédée. Le déclin de l’Ouest n’est pas une hypothèse ou une prophétie, mais un fait accompli. Ce développement splendide qui a produit les cathédrales gothiques, l’art de la Renaissance, Shakespeare et Goethe, la physique newtonienne et toute la culture européenne, tout cet énorme cycle de l’histoire est accompli et ne peut être restauré par des moyens artificiels. Il nous faut compter avec l’inflexible réalité de la civilisation de masse, de la culture mainstream, de la nature technologique, internationale qui englobe toute la terre et toute l’humanité. Dans laquelle les valeurs culturelles et la créativité d’autrefois sont remplacées par de nouveaux symboles. Les luttes actuelles pour le pouvoir peuvent conduire à la dévastation atomique universelle, mais la similitude des cultures matérielles peut se montrer plus forte au fil du temps que les différences idéologiques. Sauf que nous notons un changement psychologique dans les classes de la société qui ont été jusqu’à présent les créateurs de culture, la classe sociologique des « créatifs culturels ». Depuis la période situationniste de San Francisco, des agit-prop des « Merry Pranksters » et des actions des diggers d’Emmet Grogan (Kenny Wisdom) dans les années 1970, leur pouvoir et leur énergie créatrices s’estompent. L’homme devient blasé, n’éprouve plus l’intérêt de créer, retire à la création sa valeur, c’est le désenchantement ; l’effort n’est plus un effort vers un idéal créatif au bénéfice de l’humanité, leurs esprits sont préoccupés soit d’intérêts matériels, soit d’idéaux déconnectés de la vie sur terre.
L’expérience du temps d’un individu est parallèle à un accroissement correspondant de la fréquence des ondes alpha dans le cerveau. Avec l’âge, le temps semble aller plus vite, c’est-à-dire qu’un plus petit nombre d’instants est ressenti par unité de temps astronomique (un instant égal à 1/18e de seconde qui correspond à la vitesse de conduction de notre arc réflexe, au rendement de notre métabolisme et à la fréquence d’1/40e de seconde des flashs de conscience émergents dans le cortex préfrontal). De façon correspondante, il y a une baisse du taux de cicatrisation des blessures proportionnelle à l’âge, les phénomènes psychologiques aussi bien que physiologiques étant évidemment liés au ralentissement du processus métabolique avec la vieillesse. D’un autre côté, du point de vue de la physique, on peut introduire un temps thermodynamique fondé sur le second principe et sur les processus irréversibles, opposés au temps astronomique qui est certes mû lui aussi par les lois de la thermodynamique mais en milieu non dissipatif. Ces lois semblent s’inverser pour le vivant qui évolue sur notre planète en milieu dissipatif, c’est-à-dire hors du vide. Ainsi, le temps thermodynamique n’est pas linéaire mais logarithmique, puisqu’il dépend des probabilités ; il est pour la même raison statistique ; enfin, il est local puisque déterminé par les événements en un point. Il est probable ainsi que le temps biologique possède une relation intime, qui n’est d’ailleurs pas simple, avec le temps thermodynamique. Il n’existe aucune justification intrinsèque permettant de considérer que ce que nous prenons pour l’expérience « normale », comme la vraie configuration du monde, et que toutes les autres sortes d’expériences comme simplement anormales, fantastiques ou au mieux, comme image précurseur de notre conception « scientifique » du monde. Les catégories de l’expérience ou encore les formes d’intuition, pour utiliser les termes de Kant, ne sont pas des a priori universels mais dépendent plutôt de l’organisation psychophysique et des conditions physiologiques de l’animal en question, y compris l’homme. Ce relativisme du point de vue biologique forme un parallèle intéressant au relativisme des catégories tel que le considère le point de vue de la culture et du langage.
339- Les êtres nommés système sont formés de parties en interaction. Le prototype de leur description est un ensemble d’équations différentielles simultanées, non linéaires, formant un complexe interactif dans son cas général. Un système dit « complexe organisé » peut être délimité par l’existence d’interactions fortes ou d’interactions non linéaires appelées « Attracteurs ». La théorie générale des systèmes est née en partie de la théorie de la forme en psychologie. Ainsi, dans la théorie de la forme, pour la plupart des cas, la théorie de la catastrophe de René Thom modélise bien l’action de ces attracteurs et les états de ruptures correspondants, permettant de donner une forme et une dynamique à ces systèmes. Dans ce qui fonde la systémique, on trouve :
Une « théorie des systèmes classique » qui utilise les mathématiques et l’analyse. Son but est d’énoncer des principes s’appliquant aux systèmes en général ou à des classes précises de systèmes ouverts ou fermés, de fournir des techniques pour leur étude et leur description, et de les appliquer à des cas concrets. Les exemples comprennent les principes généralisés de la cinétique qui s’appliquent, par exemple, à des populations de molécules ou à des êtres biologiques, c’est-à-dire à des systèmes chimiques et écologiques. Les équations de diffusion en chimie-physique et de dispersion du bruit. L’application des modèles de l’état stable et de la mécanique statistique au flux du trafic, l’analyse allométrique des systèmes biologiques et sociaux.
Une « théorie informatique de la simulation ». Les ensembles d’équations différentielles simultanées servant de « modèle » ou de définition d’un système sont, dans le cas non linéaire, encore difficiles à résoudre même s’il y a peu de variables. Les calculateurs ont donc ouvert une nouvelle voie d’approche à l’étude des systèmes, attendons les calculateurs quantiques.
Une « théorie des compartiments ». C’est un système formé de sous-unités possédant certaines conditions limites entre lesquelles ont lieu des processus de transport. Ces systèmes à compartiment peuvent être une chaîne de cases ou bien une case centrale en communication avec un certain nombre de cases périphériques. Les transformations de Laplace et l’introduction de la théorie des graphes et des réseaux ont rendu cette analyse possible.
Une « théorie des ensembles ». Les propriétés formelles générales des systèmes, fermés ou ouverts, peuvent être axiomatisées en termes de théorie des ensembles.
Une « théorie des graphes ». Beaucoup de problèmes posés par les systèmes portent sur leurs propriétés structurelles ou topologiques plutôt que sur des relations quantitatives.
Une « théorie des réseaux ». Elle est liée à la théorie des ensembles, à celle des graphes, à celle des compartiments et s’applique à des systèmes tels que le réseau nerveux.
La « Cybernétique ». C’est la théorie des systèmes contrôlés fondés sur la communication, système-environnement et système interne, et contrôle (rétroaction) de la fonction du système en ce qui concerne l’environnement.
Une « théorie de l’information » au sens de Shannon et Weaver qui est fondée sur le concept d’information et définie par une expression isomorphe à l’entropie négative de la thermodynamique. L’information est une mesure de l’organisation.
Une « théorie des automates ». Systèmes abstraits avec entrée, sortie, possibilité d’essai-erreur et d’instruction. Un modèle général est fourni par la machine de Turing.
Une « théorie des jeux ». Cette théorie est considérée comme une théorie des stratégies en contexte social ; elle concerne essentiellement un « système » de forces antagonistes précises.
Une « théorie de la décision » qui est une théorie mathématique du choix de Hilbert dans des alternatives infinies.
Une « théorie des files d’attente ». Une théorie générale de l’ordre hiérarchique serait évidemment un point d’appui de la théorie générale des systèmes. Les principes d’ordre hiérarchique peuvent s’énoncer en langage verbal. Il existe des idées semi-mathématiques liées à la théorie des matrices et des formulations en termes de logique mathématique. En théorie des graphes, l’ordre hiérarchique est exprimé par un arbre et l’on peut représenter ainsi les aspects relationnels des hiérarchies. La question de l’ordre hiérarchique est intimement liée à celles de différenciation, d’évolution et de mesure de l’organisation en termes d’entropie et en termes de théorie de l’information. L’ordre hiérarchique et la dynamique seraient la même chose. Partons de la considération qu’il existe à un moment donné 10^30 cellules sur Terre. En supposant qu’il y a une nouvelle génération de cellules à chaque minute, cela nous donnerait, pour un âge de la Terre de 15 milliards d’années, 10^46 cellules en tout. Pour atteindre un nombre maximum, il faudrait l’existence de 10^20 planètes supportant la vie à conquérir. Ainsi, dans l’Univers, il n’y aurait pas plus de 10^66 êtres vivants, ce qui n’est pas si mal. Selon B.L.J Hart, l’invention humaine pourrait se concevoir comme des combinaisons nouvelles d’éléments déjà existants. S’il en est ainsi, l’occasion de nouvelles inventions va croître brutalement en fonction du nombre de permutations possibles et de combinaisons des éléments valables, ce qui signifie qu’elle augmentera comme la factorielle du nombre de ces éléments. Ainsi, le taux d’accélération de l’évolution sociale ne sera pas une accélération logarithmique mais log-log, comme celle du potentiel créatif de l’humanité. Hart présente des courbes montrant que les accroissements de la vitesse humaine, des surfaces d’efficacité des armes, de l’espérance de vie suivent véritablement une telle expression, c’est-à-dire que le taux de croissance culturel n’est pas exponentiel comme un intérêt composé, mais il est en super-accélération selon une courbe log-log. Ce n’est que depuis quelques années que la physique cherche à s’étendre pour inclure les systèmes ouverts, la variable temps et l’aspect formel des processus. Cette théorie a apporté un éclairage nouveau à de nombreux phénomènes obscurs en physique et en biologie et a conduit à des conclusions générales importantes.
La première est le principe d’équifinalité. Au contraire d’un système fermé qui, de l’état final, est déterminé de façon univoque par les conditions initiales ; par exemple, le mouvement dans un système planétaire, où les positions des planètes au temps t sont déterminées univoquement par leurs positions au temps t0. Ou encore, dans un équilibre chimique, les concentrations finales des réactifs dépendent naturellement des concentrations initiales ; si on change les conditions initiales ou le processus, l’état final sera aussi modifié. Il n’en va pas ainsi des systèmes ouverts. Ici, le même état final peut être atteint à partir de conditions initiales différentes ou par des chemins différents. C’est ce qu’on appelle l’équifinalité ; elle a une grande signification pour les phénomènes de régulation biologique. Ceux qui sont familiers avec l’histoire de la biologie se rappelleront que c’est justement l’équifinalité qui a poussé le biologiste Driesch à adhérer au vitalisme, c’est-à-dire à la doctrine qui affirme que les phénomènes vitaux ne peuvent s’expliquer seulement en termes de science naturelle. L’équifinalité, pour Driesch, contredit les lois physiques et ne peut être accomplie que par un facteur vitaliste « animiste » qui gouverne le processus en vue du but à atteindre. On peut cependant montrer que tous les systèmes ouverts, dans la mesure où ils atteignent un état stable, doivent présenter cette équifinalité, en sorte que disparaît la violation présumée des lois physiques.
Téléchargez le Pdf ➤➤➤ Suite du texte ➤➤➤
